Depuis 1970, le festival des Rencontres d’Arles prend possession de la ville de Provence pour mettre le médium à l’honneur. Avec le temps, c’est à noter, les rues et les galeries locales accueillent également avec toujours plus d’entrain la création numérique. L’édition 2024 n’y déroge pas. On y était, on vous raconte.
Si la rédaction de Fisheye a pris place du 1er au 6 juillet au cœur de la cour de l’Archevêché pour animer un des temps forts du festival, celle de Fisheye Immersive a également de quoi se régaler durant toute la durée des Rencontres d’Arles ! Entièrement dédié à la photographie, l’évènement élargit toutefois son champ d’obversation, introduisant de nouvelles manières d’appréhender ce médium à l’aide d’outils numériques. La preuve avec sept artistes qui portent haut les couleurs du numérique.
Studio DRIFT – Living Landscape
Présentée au sein de la tour LUMA Arles, l’exposition du studio néerlandais DRIFT rend hommage à la peinture de Van Gogh au sein de la cité qui abrite elle-même la Fondation Vincent van Gogh. En utilisant l’IA, les 64 artistes de cet impressionnant collectif mené par Lonneke Gordijn et Ralph Nauta mettent un coup de projecteur sur les interactions subtiles entre les différents éléments présents dans les toiles du maître tout en créant une expérience immersive associant son et image. Impressionnant !
Diana Thater – Practical Effects
Toujours à LUMA, toujours en parallèle aux Rencontres d’Arles, Diana Thater, reconnue à l’international pour ses installations et projections vidéo, présente tout l’été Practical Effects : un robot-primate biomimétique qui, étant le dernier être vivant sur Terre, « trouve sa seule compagnie dans les figures topiaires qu’il entretient avec soin ». Pour cela, l’artiste américaine a notamment collaboré avec la célèbre maison de costumes hollywoodienne Michael Schmidt Studios, mais a également abondamment puisé l’inspiration dans la science-fiction (notamment le film culte Silent Running, sorti en 1972). En résulte une œuvre touchante, mélancolique, portée tout d’une long par une vision de l’avenir propre au 21ème siècle et une certaine morale : oui, chez Diana Thater, ce sont bien les robots qui donnent à l’humain une leçon d’humanité et, pourquoi pas, d’écologie.
François Bellabas – An Electronic Legacy
Exposé dans le fameux Monoprix d’Arles en qualité de lauréat du Prix Découverte de la Fondation Louis Roederer, le projet de François Bellabas interroge la place des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle dans la photographie. En considérant l’IA comme un outil, l’artiste local donne à voir une Californie complètement fantasmée, où le réel se mêle à la fiction sans distinction aucune.
Nhu Xuan Hua et Vimala Pons – Heaven and Hell
À la fois photographes et performeuses, les deux artistes imaginent un ensemble d’art total, une exposition immersive à découvrir au son d’une mélodie spécialement conçue pour l’événement, à écouter casque sur les oreilles et disponible via un QR code. Dans cette ode à la maison et à l’espace domestique, chaque personnage photographié a été inspiré par une héroïne réelle ou fictionnelle, aussi bien tiré de la culture pop que de l’Histoire avec un grand H. C’est conceptuelle, certes. C’est novateur, bien sûr. Mais c’est surtout hautement fascinant !
Jun-Jieh Wang – Passion
Intéressée par l’idée d’explorer les complexités de l’interaction humaine à travers le prisme de l’immigration, de la mondialisation et des crises d’identité, la Fondation MRO accueille l’installation vidéo Passion de Jun-Jieh Wang, qui s’inspire autant de la narration chère à Jean-Luc Godard et du décor du dernier film de Rainer Werner Fassbinder (Querelle, 1982) que des éléments visuels du légendaire créateur de mode Alexander McQueen. Une œuvre référencée, donc, mais qui trouve sa singularité dans son traitement de thèmes sensibles : l’exploration du désir, de la passion, de la mort et de la nature de l’art à travers l’interaction entre l’astronaute Hal et trois marins.
Chun-Yi Chang – Françoise
Toujours à la Fondation MRO, Chun-yi Chang, également originaire de Taïwan, propose l’installation audiovisuelle Françoise, qui témoigne d’une envie de dialoguer avec autrui, de consolider un lien disparu, fragile, d’autant plus au sein d’une société anxieuse. En résulte un paysage sonore et visuel où les propos et les réflexions s’entrelacent et forment un tout dans un écho lointain. Sont-ils des prières ? Des pensées rêvées ? Des discours étouffés ? Le mystère est entier.
Bruce Eesly – Le Fermier du Futur
Voilà encore un autre artiste qui s’amuse avec l’IA ! En reproduisant des clichés inspirés des années 1960, Bruce Eesly créé une chronologie de la révolution verte de toute pièce, accentuant les manipulations génétiques et faisant poser de jeunes récoltants affublés de légumes XXL dans les bras. Un travail à la limite de l’absurde qui met pourtant le doigt sur le ridicule de la quête du fruit parfait et sur la véracité des images auxquelles nous sommes régulièrement confrontés.