Imaginez exploser une fois et revenir à la vie (quoi qu’un peu amoché) : ça ne donne pas très envie ! Alors deux, trois voire sept fois ? C’est ce que mettent en scène le duo Caroline Poggi et Jonathan Vinel dans La fille qui explose, présenté lors du Locarno Film Festival.
« Je m’appelle Candice. Depuis trois mois, j’explose tous les jours. Aucun rapport avec le stress, ni l’alimentation, ni la météo. J’explose juste tous les jours. C’est pas une maladie connue, y a rien sur internet. » Dans le court-métrage de Jonathan Vinel et Caroline Poggi présenté dans la section « Léopard de Demain » du Locarno Film Festival, la jeune Candice explose donc, plusieurs fois par jour, et explore un monde pour le moins étrange. À la fois inspiré du monde réel, ainsi que des jeux vidéos et du cinéma en réalité virtuelle, La fille qui explose s’appuie avant tout sur des images de synthèse, générées via le moteur de jeux vidéo Unreal Engine 4.
Mettant en lumière les pensées cauchemardesques de la jeunesse, de même que la violence anxiogène qui agite le monde, le nouveau film de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, étiré sur 19 minutes à peine, mise sur la 3D pour mettre à distance l’horreur subie par Candice, que ça soit mentalement (via toutes ces réflexions qui la parasitent) ou physiquement, via ces multiples éclatements sanguinolents dont elle est la victime. Un aspect presque cartoonesque, ouvertement ludique, et qui permet d’accueillir comme il se doit la pensée du spectateur.
Une mise en scène de la violence universelle
Il ne faut que quelques secondes pour comprendre ce qu’est réellement Candice : un personnage universel, le symbole de l’anxiété générale intrinsèquement liée à notre époque, l’incarnation d’une solitude généralisée, en dépit d’une hyperconnexion quotidienne. « Il y a de plus en plus de choses dans le monde qui ne nous invitent plus à nous lier, et je pense que l’on devient de plus en plus individualiste, explique Jonathan Vinet au micro de RTS. Finalement, c’est contre ça que Candice lutte (…) Sa seule arme, c’est sa colère, et elle est devenue comme ça en regardant juste le monde ».
Relativement triste, ce constat permet toutefois de relativiser la prétendue violence des jeux vidéos, ce stéréotype que Jonathan Vinel s’efforçait de démanteler lors de notre rencontre début juillet : « Avoir ce genre de discours, c’est dépolitiser la violence. Ils pensent que celle-ci découle de ce qu’on regarde, alors qu’elle est davantage ancrée dans ce que l’on vit, dans nos milieux sociaux. En gros, les politiques doivent trouver un coupable, et le jeu vidéo fait office de parfait bouc émissaire. Pourtant, ça a été prouvé que l’arrivée des jeux vidéo a réduit la violence. » Et Caroline Poggi de prolonger cette pensée : « On peut libérer ses pulsions, sa colère dans le jeu, d’une manière différente de celle que l’on adopterait dans la vraie vie. Cependant, en déchargeant sa colère, peut-être qu’on ne s’exprimera plus dans le réel. Pour moi, la colère peut mener à la révolution. Elle n’est pas forcément une émotion négative. »
Un court-métrage à tiroirs
Finalement, Candice explose-t-elle ou implose-t-elle ? Le détonateur est-il caché dans le monde extérieur ou est-il planqué en elle, activé par ses propres pensées, elles-mêmes nourries par la noirceur de son époque ? Le duo a l’intelligence de laisser ses réponses en suspens, laissant toute la place à de multiples interprétations, y compris les plus fantasques. À l’image de ce court-métrage, voué à faire sauter toutes les pensées et les catégories trop figées.