Un arbre ne meurt jamais tout à fait. Il se transforme, se propage, inspire. À Londres, dans les allées du jardin botanique dans le quartier de Kew, un chêne bicentenaire tombé à l’automne 2022 renaît sous une forme inattendue : une installation immersive et interactive signée Marshmallow Laser Feast.
Imaginée par le collectif Marshmallow Laser Feast, l’installation Of the Oak invite à plonger dans la mémoire du vivant, incarné par le chêne Lucombe, planté en 1762, et tombé en 2022. Un témoin de l’évolution du monde qui a motivé le collectif britannique à imaginer une entité quasi-divine, dont la lumière des souvenirs émane de l’écorce. D’un tronc de six mètres de haut jaillissent alors des flux lumineux, qui, grâce à des milliers de LED, présentent un modèle 3D de l’arbre au fil des saisons. Le tout dans une boucle de 12 minutes.
À première vue, Of the Oak ne pourrait être qu’une installation abstraite, née d’une collecte de données réalisée en collaboration avec les scientifiques et les horticulteurs de Kew. Mais en s’approchant, on comprend que cette œuvre réinvente, couche par couche, l’anatomie secrète d’un chêne : ses veines, ses racines, sa sève qui circule comme du sang. Un organisme numérisé jusqu’à l’intime, capté par LiDAR, un radar dont les scanners laser 3D génèrent des informations tridimensionnelles sur les différents types de surface exploités.
Une écologie des perceptions
Si le Lucombe oak de Kew Gardens n’est plus, ses données, elles, vivent encore. Marshmallow Laser Feast les transforme ici en matière artistique : un arbre augmenté, un spectre de bois et de lumière. Pour Ersin Han Ersin, directeur artistique du collectif, cette installation n’est pas une simulation, mais une traduction sensible. « L’arbre devient un portail, une lentille à travers laquelle nous percevons la richesse d’un monde invisible. » Ce monde, c’est celui de la nature perçue non plus comme un décor, mais comme une matrice de relations. Un enchevêtrement de racines, d’échanges, d’interdépendances.
C’est dire si Of the Oak n’est pas une installation figée, ancrée comme le chêne qu’elle incarne. Elle respire. Dans un geste ouvertement symbolique, les visiteurs aussi sont appelés à synchroniser leur souffle avec celui de l’arbre, grâce à une méditation sonore qui guide leur rythme cardiaque et leurs inspirations. Une interface, qui dépend dès lors moins d’un écran digital que d’une relation corporelle, et qui fait donc sens avec l’idée qui sous-tend Of the Oak : être une expérience capable de réconcilier notre corps humain avec celui du monde.