À travers ses films et ses photographies, l’artiste égyptien propose une vision surréaliste d’un quotidien banal et collectif, inspiré de ces histoires que l’être humain se raconte pour ne pas les oublier.
Tout commence en Égypte, alors que Basim Magdy est encore jeune. Profondément marqué par l’aspect traditionnel de son pays d’origine, l’artiste développe son univers esthétique en combinant son héritage culturel à une pratique contemporaine. Ou quand le passé rencontre l’avenir. Avec comme sujet de prédilection la mémoire, il tente d’effectuer une relecture des grands mythes et des histoires orales à travers le prisme du présent. Dans l’idée, bien sûr, de parler sereinement du futur. « Depuis des années, je m’efforce de réaliser des œuvres qui remettent en question la manière dont l’histoire est construite, enregistrée et rappelée. Je crois fermement que l’histoire est rarement ce qui s’est passé ; elle est la manière dont l’histoire est manipulée par ceux qui la racontent, détaille-t-il dans un entretien accordé à Clot. Je pense que mes films parlent toujours du présent. Parfois, je regarde le présent à travers l’ambiguïté du passé et l’imperfection de la mémoire. Parfois, c’est le présent, tel que j’imagine qu’il sera vu lorsque je regarderai en arrière vers un futur imaginaire. »
Le goût du récit
C’est effectivement là l’un des grands mérites de Basim Magdy : ne jamais prendre l’Histoire avec un grand H pour acquise. Celle-ci, à l’entendre, ne serait que le reflet du raconteur. Un parti pris qu’il met en scène dans sa série photo Someone Tried to Lock up Time, où il met en lumière la nature éphémère d’un récit personnel et la manière dont celui-ci permet de créer une plus grande narration, caractérisée par ses oublis et ses ajouts, de même que par une vérité impossible à atteindre.
Ce jeu sur la frontière entre fiction et réalité, on le retrouve au sein de son film, The Dent, qui retrace l’histoire inventée d’une petite ville désireuse d’attirer les futurs Jeux olympiques. Avec tout ce que cela suppose : une ambition collective, l’affirmation d’une identité, le risque de l’échec… Autant de thèmes universels explorés à travers une narration inventée de toute pièce.
Explorer autrement la réalité
Toutes ces thématiques se matérialisent également dans No Shooting Stars, produit pour le Jeu de Paume en 2016. Construit sur la notion d’immensité de l’océan, le film tente de recréer un mythe fondateur là où il n’y en a pas, nos civilisations préférant fantasmer sur la Terre que nous foulons plutôt que sur les fonds marins, encore inconnus. Particulièrement poétique, la vidéo laisse une place de choix aux mystères des profondeurs marines.
Un procédé également à l’œuvre sur FEARDEATHLOVEDEATH (2022) : conscient de ne pas pouvoir aborder la mort selon une quelconque logique, Basim Magdy, 48 ans, accepte le côté expérimental d’un tel sujet et procède par strates. Un temps, le spectateur est ainsi plongé dans la chambre d’un mort ; le suivant, il découvre un poème puis un alligator, surveillant la scène depuis le haut d’un nuage… « Je crée des fictions ancrées dans la réalité. Elles sont basées sur la logique, l’apparence et la structure de la réalité. L’aspect le plus intrigant de la réalité est ses couches, qui passent souvent inaperçues ou sont intentionnellement négligées, résume Basim Magdy. Lorsque j’ai commencé à y prêter attention, j’ai réalisé que chaque jour de ma vie comportait une part importante d’aléatoire et d’absurdité. J’éliminais ou ignorais fréquemment ces événements pour donner un sens à ma réalité. » Une réalité finalement bien plus intéressante, car poétique et réflexive, que celle que nous expérimentons tous les jours.