Books Club : « Patriartech » de Marion Olharan Lagan

17 octobre 2024   •  
Écrit par Zoé Terouinard
Books Club : « Patriartech » de Marion Olharan Lagan

Avant de s’imposer dans les musées, l’art numérique trouve sa source dans les bibliothèques. « Book Club » revient sur ces livres essentiels des mouvements créatifs explorant les liens avec les nouvelles technologies. IA, métavers, réalité augmentée… Ces auteurs traitent de tout ! Aujourd’hui, focus sur Patriartech, un essai fraîchement sorti, au sein duquel Marion Olharan Lagan fait le lien entre la technologie et le système patriarcal.

L’auteur

Diplômée d’HEC et agrégée d’anglais, Marion Olharan Lagan est pourtant loin d’avoir le CV classique de l’universitaire et autrice d’essai. Professeure de franglais au Japon, apprentie coiffeuse en Auvergne, podcasteuse, animatrice d’ateliers littéraires autour de l’astrologie, et ancienne directrice des équipes internationales en charge du développement de l’assistant vocal Alexa chez Amazon, Marion Olharan Lagan multiplie les casquettes. Peut-être est-ce d’ailleurs cette pluridisciplinarité qui lui confère ce regard si particulier sur les rapports entre technologie et société… Toujours est-il que Marion Olharan Lagan, particulièrement intéressée par les questions de genre et de postféminisme, explore désormais avec incuité les dynamiques sexistes de l’industrie technologique dans son ouvrage Patriartech.

Le pitch

Publié en mai 2024, Patriartech est un essai analysant la manière dont la technologie, et plus spécifiquement l’industrie de la tech, perpétue et renforce les dynamiques patriarcales. Un postulat nourri ici par un ensemble de critiques remettant en question la pseudo-neutralité des outils numériques, comme les réseaux sociaux ou les assistants vocaux (notamment Alexa, évidemment), bien ancrés dans un système de domination masculine. En 256 pages, Marion Olharan Lagan met en lumière le fait que cette industrie est très largement dirigée par des hommes blancs, souvent éloignés des réalités sociétales, et qui orientent les ressources et innovations en fonction de leurs propres intérêts, qu’elle décrit comme relevant souvent de l’ordre du contrôle​. « Il ne fait pas bon être une femme sur les réseaux sociaux », conclut l’autrice, tout en profitant de cet ouvrage pour revenir en longueur sur le rôle oublié des femmes et des minorités derrière les avancées technologiques.

Portrait d'une femme dans une tenue typique du 19ème siècle devant un tableau de formules mathématiques.
Ada Lovelace

Notre avis

Aussi accessible que référencé, l’ouvrage de Marion Olharan Lagan propose une analyse incisive du monde de la tech, gangrené par le patriarcat et le capitalisme. D’où cette volonté de l’autrice de rendre ici hommage à ces nombreuses figures féminines dont le travail, pourtant essentiel à l’évolution de la technologie, a longtemps été dévalué, voire totalement oublié des livres d’histoire : les trois « ordinatrices » de l’astronome Jérôme Lalande au 18e siècle (Nicole-Reine Lépaute, Marie-Louise Dupléry, Marie-Jeanne Lefrançois), Ada Lovelace, Joan Clarke, « cryptanalyste » qui œuvrait depuis l’Angleterre pour décrypter les messages nazis lors de la Seconde Guerre Mondiale, ou encore Grace Hopper, pionnière de la programmation, élue « homme de l’année » en 1969…

Aujourd’hui, cette domination se perpétue (rappelons que moins de 30% des concepteurs en intelligence artificielle sont des femmes) et continue, surtout, de servir les intérêts des hommes, blancs, cis et hétérosexuels. En analysant l’influence de Facebook dans la campagne de Donald Trump, le système de classification des fiches Wikipedia invisiblisant le rôle des femmes au cœur des recherches scientifiques, mais également en s’intéressant aux multiples cas d’agressions sexuelles au sein des grandes entreprises de la Silicon Valley (à l’image de Space X ou d’Amazon) étouffées par leurs dirigeants, Marion Olharan Lagan propose ici une réécriture critique et féministe nécessaire des fondements de notre monde programmé.

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