Dans la lumière diffuse du Centre Pompidou, un œil s’ouvre : celui de 目 (mù), ce caractère chinois signifiant « regard » qui semble capter l’essence d’une nouvelle génération d’artistes exposée jusque février 2025 entre les murs du plus grand musée d’art contemporain d’Europe.
Nés entre les années 1970 et 1990, les différents artistes chinois réunis au sein de l’institution parisienne ont tous un point commun : celui d’avoir été façonnés par l’essor fulgurant de leur pays et les mutations incessantes de ses paysages. Sous ce signe poétique, l’exposition 目 Chine : une nouvelle génération d’artistes (rendue possible grâce au partenariat Centre Pompidou × West Bund Museum Project à Shanghai) plonge les visiteurs dans une exploration captivante, à la fois intime et universelle.
Si le nom de Lu Yang résonne déjà avec familiarité pour certains – son univers de cyborgs, de divinités bouddhistes et de transhumanisme ayant déjà marqué les esprits de la rédaction -, cette manifestation est surtout une opportunité d’aller au-delà de cette figure incontournable. Place Georges-Pompidou, ce sont donc 21 jeunes artistes qui émergent de l’ombre, porteurs de visions aussi puissantes que variées, à travers un parcours thématique.
Défier les catégories artistiques traditionnelles
Des œuvres d’Aaajiao explorant la fracture numérique aux installations de Nabuqi, lesquelles jouent avec l’espace et l’objet, en passant par la réinterprétation des arts martiaux dans les vidéos de Qingmei Yao, chaque créateur dévoile ici une parcelle de cette Chine en mouvement, un bout de ce pays, de cette histoire commune. Le monde digital, omniprésent au sein de cette société hyperconnectée et pourtant censurée, devient dès lors un matériau central pour beaucoup de ces artistes, à l’image des œuvres spectrales de Miao Ying, qui questionnent la censure et la liberté au sein du cyberespace chinois.
Un art chinois multiple et complexe
Dans cette quête visuelle, l’occasion nous est donnée de découvrir une Chine à la croisée des mondes, d’aller à la rencontre d’une nation qui, en quelques décennies, est devenue le théâtre de bouleversements profonds. Le plus beau, c’est que tous les artistes de cette nouvelle génération réagissent à cette réalité avec une acuité impressionnante, qu’il s’agisse des changements de paysage, de la censure répressive ou de la résilience face aux crises écologiques. La première étape, Récits et Histoire, présente des œuvres où de nouvelles utilisations sont offertes aux matériaux traditionnels, tandis que les artistes réunis dans Flux et changements sociaux s’intéressent à l’envol de l’urbanisation. Quant à la dernière partie, Écologie et mondialisation, elle s’intéresse tout particulièrement à l’évolution du rôle de la Chine dans les échanges mondiaux.
L’exposition 目 Chine ne se contente pas d’offrir une vitrine à ces talents. Elle agit comme un pont entre des mondes, rapprochant la France et la Chine, tout en nous invitant à voir au-delà des frontières physiques et mentales, notamment via une utilisation subtile de divers médiums (vidéo, sculpture, photographie). C’est une invitation à ressentir, à comprendre, à rêver une autre Chine, celle qui se construit à travers les regards et les mains de ses jeunes créateurs.
- 目 Chine — Une nouvelle génération d’artistes, jusqu’au 03 février 2025, Centre Pompidou, Paris.