Utilisé autant pour ponctuer une conversation qu’en tant que matière artistique, le GIF (et non « guif ») a bouleversé notre rapport à l’image. Retour sur l’histoire de ce petit visuel animé révolutionnaire.
Créé par l’ingénieur américain Stephen Wilhite, ce format visuel typiquement relié à la culture Internet a connu mille et une vies : des cours de la bourse aux mèmes viraux, en passant par l’animation de texte ultra-kitsch, le GIF a tout vu, tout vécu, mais n’a jamais été vaincu. L’histoire débute en 1986 lorsque l’ingénieur en informatique de 38 ans pense à créer un nouveau format prévu pour être compatible avec tous les modèles d’ordinateurs afin d’afficher les cours de la bourse en temps réel. Après de multiples tentatives, Stephen Wilhite, persévérant et déterminé, en fait une dernière et s’appuie alors sur l’algorithme Lempel-Ziv-Welch (LZW) permettant de simplifier les motifs récurrents au sein d’une même série d’images. C’est la naissance du premier « Graphics Interchange Format » : un avion volant dans un ciel nuageux.
Gloire, chute, et postérité
Loin de rester confiné aux allées de Wall Street, le GIF devient le symbole de toute une génération qui découvre Internet dans les années 1990 et qui se délecte de ces multiples images animées pour agrémenter leurs sites, à l’esthétique bien datée. On voit alors émerger les premiers GIF comiques, dont certains deviennent viraux. À l’image du fameux bébé qui danse. Victimes de leur succès, les GIF finissent par attirer l’attention de l’algorithme LZW, jusqu’a alors peu concerné, mais qui souhaite désormais avoir accès à sa part du gâteau – l’entreprise souhaite en effet recevoir une redevance, ce à quoi les développeurs s’opposent à travers le mouvement Burn All GIFs du 5 novembre 1999, qui signe la disparition (temporaire) du GIF au profit du PNG.
Récupération artistique
Il faudra attendre 2005 pour que le GIF renaisse de ses cendres, grâce à la culture mème de Reddit, puis Twitter et Tumblr les années suivantes. On l’utilise désormais pour accentuer et souligner une réaction, ou simplement parce qu’il est drôle. Dans le paysage artistique, nombre d’artistes y voient également une autre forme de langage, moderne, profondément visuelle, propice au collage et à la viralité inhérente à l’ère des réseaux sociaux. « Certains artistes considèrent le GIF comme une œuvre d’art en soi, et partent du GIF. D’autres, qui travaillent sur des supports traditionnels, vont utiliser le GIF pour mettre en valeur leur travail », expliquait Adrien Salamon, cofondateur de Balibart, au micro de France Inter.
D’Anne Horel à Lorna Mills, en passant par Miyö Van Stenis et A.L. Crego, nombre d’artistes ayant grandi à l’ère numérique utilisent en effet ce format pour faire de la création animée, et s’autorisent toutes sortes de délires graphiques. Avec, toujours, ce côté foutraque et absurde propre au GIF, ce mot devenu si populaire qu’il a fini par faire son entrée dans le dictionnaire comme « mot de l’année » en 2012. L’occasion pour son créateur, Stephen Wilhite, d’enfin clore le débat dans les colonnes du New York Times : « L’Oxford English Dictionary accepte les deux prononciations. Elles sont fausses. C’est un “G” doux, prononcé “jif”. Fin de l’histoire. »