Premier texte au monde à tenter de réguler l’intelligence artificielle, l’IA Act connaît enfin sa version finale, après avoir été le sujet de conversations houleuses entre la France et l’UE. Retour sur un texte historique.
Présenté en avril 2021 par la Commission européenne, le projet n’a cessé de bouger, au rythme de l’IA, elle-même en perpétuelle évolution : l’arrivée de ChatGPT en novembre 2022 a par exemple bouleversé le texte initial, et forcé les rédacteurs de l’IA Act à définir un cadre plus large. Car si des règles visant l’intelligence artificielle existent en Chine (par exemple !), jamais le monde n’avait connu une réglementation d’une telle ampleur !
La France vs L’Europe
Plus q’un simple sujet d’actualité, la réglementation de l’IA est donc un gros dossier que la France a étudié avec méfiance, se plaçant pendant longtemps en opposition avec les autres pays de l’Union Européenne. « Nous pouvons réguler beaucoup plus vite que nos compétiteurs, mais il faut être à la bonne vitesse. Si nous perdons des leaders à cause de cela, il faudra revenir dessus », estimait il y a encore quelques temps Emmanuel Macron.
Après sept mois de suspens, la France a finalement décidé de ratifier l’IA Act, permettant ainsi sa validation à l’unanimité auprès des vingt-sept pays signataires. « La loi sur l’IA a déchaîné les passions, et à juste titre, a notamment déclaré Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur. Aujourd’hui, les Etats membres ont approuvé l’accord politique de décembre, reconnaissant l’équilibre parfait trouvé par les négociateurs entre l’innovation et la sécurité ».
« Une victoire pour les auteurs »
À l’origine, la source du conflit était liée à la volonté de l’état français d’obtenir des concessions supplémentaires, notamment au nom de la protection de ses start-up d’IA (Mistral AI, par exemple) et du respect des droits d’auteur. Le 25 janvier dernier, 71 organisations culturelles ont en effet adressé une lettre au premier ministre Gabriel Attal dans laquelle elles s’inquiétaient du manque de transparence sur ces questions de propriété. Après de vives discussions, la France a finalement accepté l’accord, étant désormais la seule réfractaire au projet : l’Italie et l’Allemagne, qui partageaient initialement la même position, ayant finalement approuvé l’IA Act quelques jours auparavant.
Cet accord ne s’est pas fait sans quelques concessions, notamment au sujet de la protection du secret des affaires dans la communication des données d’entraînement. D’un point de vue artistique, l’IA Act stipule également que tout usage de l’intelligence artificielle dans la création d’une œuvre devra être signalé. En cela, l’IA Act serait « une victoire pour les auteurs et le monde de la culture ». C’est du moins ce qu’affirme Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), tandis qu’Alexandra Bensamoun, professeure de droit et membre du Comité interministériel de l’IA, se veut tout aussi dythirambique dans un article relayé par Les Échos : « L’Europe servira de modèle ». On l’espère sincèrement, tout en attendant la mise en vigueur de l’IA Act en 2025 pour émettre un avis définitif.