Au cœur de l’écrin de Megalomelancholia, exposition-manifeste présentée au Pavillon Carré de Baudouin, une œuvre dalìesque attire particulièrement l’attention. La limite est une façade de l’artiste français Dorian Rigal Minuit s’y dresse – ou plutôt s’efface -, à la croisée du réel et de l’illusion.
Un mur ? À peine. Plutôt une membrane, une suggestion. À travers un dispositif de brume, de lumière et de son spatialisé, l’installation La limite est une façade trouble nos repères et met à nu ce qui sépare l’espace de l’intime. La façade devient seuil. La limite, simple fiction. Inspiré de l’architecture de la région parisienne, Dorian Rigal Minuit (aussi connu en tant que Minuit Digital !) y numérise quatre éléments vernaculaires contemporains pour en faire des artefacts de musées. Lesquels, lentement, se métamorphosent jusqu’à devenir des formes organiques qui se compriment, à la manière de César, pour finalement retrouver leur silhouette initiale.
La technologie au service de la matière
Dans le contexte du parcours immersif de Megalomelancholia axé autour des fragilités modernes, l’oeuvre de Dorian Rigal Minuit agit comme un contrechamp silencieux, un cas qui se donne à voir, célébrant le temps qui passe mais aussi l’Histoire de l’Art. Impossible, en effet, de ne pas voir en La limite est une façade le pendant actuel des horloges coulantes surréalistes de Salvador Dalì.
Récompensé aux Vidéoformes 2023, ce travail a été salué par les membres du jury Abir Boukhari, Davide Mastrangelo et Ho Kyung Moon : « Si nous nous exigeons ce qu’est l’art numérique et ce qu’il peut faire, cette œuvre nous offre un exemple de technique authentique. (…) Ce travail est techniquement superbe, tant dans la composition que dans la décomposition des éléments, mettant en lumière ce que seule la technologie de l’art numérique peut réaliser de manière efficace et agréable, elle invite naturellement le public à considérer les personnes qui habitent. Vous avez habité ces bâtiments et les zones environnantes, à Paris mais aussi dans le monde entier. » Oui, Dorian Rigal Minuit cultive ici une esthétique du trouble, n’utilisant pas la technologie comme un effet de style, mais comme une matière à sculpter, une illusion à habiter. Au creux de la façade, peut-être un passage. Ou rien. Et c’est précisément dans ce doute que réside toute la puissance de son travail.