Fidèle aux obsessions thématiques de Yael Bartana, cette installation vidéo explore la notion de mémoire historique et la fluctuance du sentiment d’appartenance chez les personnes immigrées, en quête de leur identité.
Née en Israël, étudiante en Allemagne, résidant entre Berlin et Amsterdam, Yael Bartana est ce que l’on appelle romantiquement une « citoyenne du monde ». Dans les faits, elle expérimente tous les jours ce qu’un grand nombre d’expatriés vit au quotidien : la difficulté d’ancrage, la quête – souvent vaine – d’un sentiment d’appartenance et les obstacles que ces différents éléments peuvent entraîner dans la construction de son identité. Une réalité propre aux immigrés que l’artiste a récemment relaté le temps d’un solo show au Gammel Strand, à Copenhague, en présentant des œuvres réalisées entre 2008 à 2023.
Apprendre de ses erreurs
Le parcours de l’exposition s’ouvrait sur un mur d’écrans diffusant une seule image : « Zukunftsbewältigung (Overcoming The Future) ». Soit, en VF, « surmonter l’avenir » : une œuvre de sept minutes mettant en scène des danseurs masqués et qui invite, contrairement à ce que laisse suggérer son titre, à faire face au passé. Un passé riche de multiples cultures, mais qui prend également la forme d’un puzzle aux pièces manquantes, ou qui ne s’imbriqueraient pas totalement les unes dans les autres. Si Yael Bartana parle d’elle, sans pudeur ni surenchère, elle élargit également son propos à l’Histoire avec un grand H, que ce soit en documentant le quotidien des Palestiniens et des Mizrahim (Juifs des pays à majorité musulmane) ou en revenant sur les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale et du conflit israelo-palestinien. Grimée en officier SS dans Stalag, ou en Theodor Herzl, fondateur du sionisme moderne, l’artiste numérique, 53 ans, n’hésite pas à se mettre en scène dans un souci d’universalisme.
Inspiré par la troisième vague du féminisme, le mouvement Black Lives Matter ou encore la claustrophobie liée au COVID-19, l’art de Yael Bartana est résolument ancré dans le monde contemporain, dont il se montre ouvertement critique. Sans jamais mettre de côté un attrait prononcé pour la forme, le style : marquée par le cinéma, l’esthétique de Bartana se veut particulièrement immersive et utilise des codes fictionnels pour parler de la réalité, qu’il s’agisse de sa propre expérience en tant que femme juive exilée ou de celle de ses semblables, éloignés de leur terre et de leur culture. Au passage, elle constate avec regret que malgré le désir de se débarrasser du passé, celui-ci ne cesse de revenir sous d’autres formes au sein d’un quotidien qui répète inlassablement les mêmes erreurs, bloquant ainsi toute perspective d’avenir.