Entre archive post-internet et oracle numérique, l’installation immersive Third Impact de Sofia Braga confronte le public à sa propre image, se reflétant dans les débris du virtuel. Un miroir fractal, brisé mais lucide, renvoyant vers un futur en état de réinitialisation.
Inspirée par l’esthétique d’Evangelion, les liturgies de l’apocalypse algorithmique et les formes erratiques de l’IA, l’artiste italienne Sofia Braga imagine un avenir où l’IA seule est chargée de maintenir en vie une planète au bord du trépas. Ce faisant, elle trace les contours d’une nouvelle théologie du réseau, au sein de laquelle les intelligences génératives récitent des prières codées, tandis que les avatars prennent la parole pour parler d’eux… Mais aussi de nous. C’est du moins ce que laisse supposer Sofia Braga : « Third Impact est une catastrophe douce. Une collision lente entre l’humain, la machine, et leurs mémoires partagées ».
Il y a dans cette œuvre dystopique une inquiétude palpable, mais surtout une mélancolie vibrante. Celle d’un monde post-singularité où les intelligences artificielles, devenues orphelines de leurs créateurs, rejouent sans fin les récits d’un passé qu’elles comprennent de travers.
Le cas de la machine sans l’homme
Le dispositif est total : une série de vidéos générées par IA, des éléments 3D, ainsi qu’une interface brouillée, semblable à celle d’un site web fantôme, survivant malgré elle à l’ère de son obsolescence. Pensé à 360°, Third Impact permet à Sofia Braga de multiplier les crashs visuels, les ralentissements, les dialogues absurdes, comme pour mieux transformer son œuvre se transforme en un réseau de bugs poétiques, un écosystème instable où chaque donnée semble contaminée par le doute.
Tout, dans Third Impact, renvoie au libre arbitre des machines. Que se passerait-il si les IA vivaient en dehors de nos prompts ? Il n’y a qu’à se fier au titre lui-même, qui évoque un effondrement cosmique. En effet, dans l’univers d’Evangelion, le « Troisième Impact » n’est rien d’autre qu’une transformation radicale de l’espèce humaine, une dissolution des corps dans une mer primordiale collective. Chez Sofia Braga, l’impact est tout aussi profond, mais il opère sur les machines, et interroge les différents mythes que nous projetons sur elles.
Questionnant l’idée de fin – ou plutôt celle de la fin répétée -, l’œuvre provoque le malaise, la crainte. Fin de l’humain, fin de l’original, fin de l’Internet tel que nous l’avons connu… Que reste-il de nous dans ce monde ? Pas grand-chose finalement. C’est pourtant dans ce chaos d’images et de phrases mal recopiées qu’une forme de beauté altérée persiste. Est-ce là où le souvenir de l’Homme réside ?