Présentée dans le cadre d’Open Space, le programme dédié à la création contemporaine de la Fondation Louis Vuitton, l’œuvre immersive DOKU – The Flow de Lu Yang défend le concept « réincarnation numérique » et explore les limites du corps, ici mis à rude épreuve.
Niché dans une galerie du dernier niveau du bâtiment conçu par Frank Gehry, l’exposition passerait presque inaperçue. Il serait pourtant bien triste de passer à côté : deuxième chapitre de la série DOKU, initiée en 2019 par l’artiste, DOKU – The Flow suit DOKU, avatar numérique de Lu Yang nommé d’après la phrase « DOKUSHO DOKUSHI » (« On naît seul, on meurt seul », en VF) et explore, au passage, le concept de « réincarnation numérique ».
Bouddhisme et culture numérique
« J’ai commencé à créer DOKU en 2019. C’est mon avatar digital, une réincarnation numérique, une réplique réalisée en scannant mon visage et toutes les expressions faciales possibles », confie Lu Yang. Avant de se montrer plus précis encore : « DOKU est un hologramme, c’est moi et ce n’est pas moi, c’est une coquille numérique que j’utilise pour créer mes œuvres. » Héritier de la philosophie bouddhiste, DOKU ne cesse ainsi de renaître tout au long du film dans une pléiade de personnages représentant les six voies de la réincarnation, chacun évoluant dans des univers personnalisés.
Dans un communiqué de presse, l’artiste développe : « Dans DOKU – The Flow, tout est fluide: je suis l’enfant perdu dans un groupe neutre au milieu d’un conflit, le voyou qui jette des armes sur le champ de bataille, je suis le riche et le puissant, et le pauvre opprimé par le puissant, je suis le mourant sur un lit d’hôpital et le médecin qui le soigne et le sauve, je suis l’antithèse et l’opposé de cette antithèse; je suis le deuxième niveau du yin et du yang, je peux aussi être la voie du milieu, je n’ai pas d’étiquette. »
Mis en valeur par une scénographie organique et diffusé sur grand écran, le court-métrage de Lu Yang déroule ainsi tous ces concepts philosophiques et spirituels dans un ensemble contemporain, largement imprégné de la culture populaire japonaise. Grâce à ces marqueurs contemporains (et donc intelligibles par un grand nombre de spectateurs), les différents avatars aux allures de personnages de jeux vidéo et d’animé interrogent la notion même d’identité à l’ère post-internet.
L’occasion pour l’artiste chinois, installé à Shanghai, de questionner également le corps, mis à rude épreuve tout au long du film, que ce soit par la vie des personnages qui combattent, luttent ou se laissent aller à la luxure, par les nombreuses scènes de danse, à la fois poétiques et éthérées, ou par les multiples références au transhumanisme. C’est profondément immersif, parfaitement mis en scène, bourré de références (à la pop culture, à la spiritualité, aux sciences, etc.) et incroyablement beau sur le plan esthétique.
- DOKU – The Flow, jusqu’au 09.09, Galerie 8, Fondation Louis Vuitton, Paris.