Depuis 15 ans, l’artiste montréalais foule les scènes et les festivals du monde entier pour présenter ses performances mêlant son et lumière. Particulièrement méticuleux dans l’écriture narrative et dans l’élaboration de dispositifs hors-normes, Martin Messier nous parle de son travail, de son évolution artistique, mais surtout du son et de sa complémentarité avec la lumière.
Bien qu’il ait exploré la musicalité de différents objets – des crayons, des projecteurs 8 mm ou des réveille-matins -, Martin Messier ne s’est jamais contenté de faire du détournement le centre de son corpus artistique : « Le détournement d’objets a été important dans ma carrière, mais j’ai eu l’impression de rapidement faire le tour de la question. Je souhaitais explorer d’autres axes », exprime-t-il. Sa performance Sewing Machines Orchestra qui l’a révélé au début des années 2010, fut un virage important : une dizaine de machines à coudre datées de la première moitié du 20e siècle (des Singer, prestigieuse marque américaine) étaient alors rassemblées et composaient une symphonie mécanique magistrale. « J’ai particulièrement soigné la création musicale de cette performance, mais il y avait déjà une introduction à la lumière », confie Martin Messier.
Il faut préciser en effet que si l’artiste vient d’une formation électroacoustique, il s’en distingue rapidement en ajoutant une composante lumière à l’ensemble de ses projets. Au point de devenir une référence internationale dans le domaine des performances audiovisuelles et d’être maintes fois récompensé par de prestigieuses cérémonies : Prix Ars Electronica en 2010, mention spéciale au Japan Media Awards en 2015, 2e Prix au Digital Arts Festival d’Athènes en 2021…
En quête du geste juste
Sa performance Field, réalisée en 2015, part du principe que les sons peuvent être générés à partir des champs électromagnétiques omniprésents dans l’environnement. Cette œuvre audiovisuelle, volontiers spectaculaire, constitue dès lors un marqueur au sein de sa recherche artistique. « Je me suis pleinement concentré sur la narration autour d’un dispositif scénique et lumineux. Les spectateurs sont surpris par l’évolution de la performance. Des jeux d’ombre donnent l’impression que le plateau se met à bouger. La synchronisation entre la lumière et le son est chirurgicale.» Une maîtrise qui lui permet de faire naître une dizaine de travaux caractéristiques de ce mariage heureux entre le son et la lumière.
Que ce soit dans Impulse, Cycles ou 1 drop 1000 years, le secret de Martin Messier réside dans sa capacité à synchroniser les éléments. Pour cela, le geste humain, le corps en mouvement joue un rôle capital. « Les objets peuvent être intéressants, mais un être humain le sera infiniment plus, tant il crée une mise en danger, une connexion avec le public »,analyse-t-il. Innervision (2019) est à ce titre la performance la plus parlante. Cette œuvre monumentale rassemble 60 danseurs et danseurs, tous situés face à une table lumineuse et amplifiée, tandis que leurs gestes chorégraphiés créent des tableaux musicaux et visuels d’une extrême précision. « C’était un rêve de produire un tel projet, où les danseurs et les danseuses viennent créer du sens avec le dispositif. »
Un goût prononcé pour la recherche
Depuis, Martin Messier poursuit sa quête son et lumière à travers des sujets explorant l’invisible et la manifestation des propriétés imperceptibles de dispositifs. Les deux performances présentées le 16 novembre au théâtre de l’Hexagone à Meylan sont une illustration de l’étendue de cette recherche. D’un côté, Echo Chambers (2020), pour laquelle Martin Messier a travaillé à partir des scans ultrasons d’un échographe. « Le live est construit comme si j’étais dans une salle d’opération et que je rentrais à l’intérieur du corps, prêt à scruter les arcs électriques et les corps lumineux », explique-t-il à propos de cette œuvre où des panneaux s’additionnent, orchestrant un va-et-vient de lumières pensées pour répondre aux échos sonores.
De l’autre, Elusive Matter (2021), une performance immersive où des volutes de fumée sont propulsées au-dessus des têtes des spectateurs, et sur lesquelles l’artiste vient projeter des lumières de manière à brouiller les repères spatiaux.
De ce fait, il est intéressant de voir les œuvres de Martin Messier comme un ensemble, où toutes les créations dialoguent les unes avec les autres. « J’aime effectuer cette recherche et la restituer. C’est d’ailleurs pour présenter cette recherche que mes performances sont souvent déclinées en installations », explique Martin Messier. Quant à savoir quelles seront ses prochaines évolutions artistiques, le Québecois a déjà quelques idées en tête : « Pendant trois ou quatre ans, je vais approfondir plusieurs de mes œuvres existantes. J’ai envie d’aller vers des projets monumentaux. J’irai plus loin sur la lumière, le son, la scénographie. » De là à imaginer une nouvelle performance avec des centaines de machines à coudre et un dispositif lumière particulièrement léché, il n’y a qu’un pas.