Durant l’été, de mi-juillet à fin septembre, Fisheye Immersive part à la rencontre de huit artistes numériques venus du monde entier, profondément créatifs et déterminés à expliquer leur travail, démocratiser leur approche créative. Troisième invitée : Mélanie Courtinat, dont le travail ose tous les croisements, entre VR et architecture, entre univers vidéoludiques et arts plastiques.
D’après toi, à quel point le numérique, la VR ou les technologies immersives vont-elles impacter les propositions artistiques, les musées ou les galeries ces prochaines années ?
Mélanie Courtinat : Plus le temps passe, et plus il devient difficile de se souvenir d’un monde dépourvu de « numérique ». Ça fait donc sens que ce dernier ait un impact grandissant sur l’art, depuis un moment déjà. Personnellement, je crois d’ailleurs que les émotions les plus puissantes que j’ai jamais pu ressentir face à une œuvre d’art étaient dans le contexte d’une expérience immersive /numérique. Ce sont de nouvelles formes d’expressions à explorer pour les artistes, mais également de nouveaux moyens de partager l’art en ligne, de nouvelles manières de le conserver ou de l’archiver.
De ton côté, as-tu l’impression que les arts numériques/immersifs te permettent de délivrer plus concrètement un message impossible à défendre sous une autre forme ?
Mélanie Courtinat : La question de l’utilisation de médiums traditionnels comme la peinture ne s’est jamais trop posée pour moi, on dirait qu’il y avait comme une évidence. J’ai expérimenté brièvement le dessin, la peinture, la photographie, mais sans enthousiasme, sans plaisir. Ma pratique artistique découle dans son entièreté de l’usage du numérique, et plus particulièrement encore du jeu vidéo, ne serait-ce que grâce à son incroyable pouvoir immersif et narratif. Ce médium est indéniablement le plus adapté aux histoires que j’ai envie de raconter. Je suis notamment très sensible au fait de pouvoir convoquer plusieurs pratiques artistiques en une seule expérience. Par exemple, j’aime l’idée de faire résonner le son avec l’image.
Dans ce cas, comment utilises-tu les outils numériques au sein de ton processus de création ?
Mélanie Courtinat : Comme dit précédemment, j’utilise exclusivement des outils numériques pour créer, avec notamment la volonté de considérer le jeu vidéo comme un médium majeur, dont j’explore les propriétés dans le cadre de ma pratique. Ça se manifeste très concrètement à travers l’usage de logiciels de jeux vidéo pour créer, mais aussi en réfléchissant à tout ce qui constitue le jeu vidéo : les mécanismes dits traditionnels de gameplay tels que les points de sauvegarde, les PNJ (personnages non joueur, ndr)… Selon moi, ce médium permet de convoquer un sentiment de liberté fort pour le spectateur, mais il me permet également de créer des mondes étendus et partageables en ligne.
À l’heure du numérique, on dit que n’importe qui peut se revendiquer artiste, que « pousser quelques boutons » (pour reprendre une phrase lue dans certaines interviews…) ne fait pas de nous des artistes. Quel est ton point de vue là-dessus ?
Mélanie Courtinat : Qu’ils sont super cons et que débattre de ce sujet ne m’intéresse pas.
Selon toi, la France est-elle en retard sur les arts numériques/immersifs ? Qu’est-ce qui manquerait, par exemple, pour faire de Paris l’équivalent de Montréal, de Bruxelles, de Londres ou même d’un pays comme Taïwan ?
Mélanie Courtinat : Sans vouloir entrer dans une analyse géopolitique, disons simplement qu’une grosse exposition comme Worldbuilding. Jeux vidéo et art à l’ère digitale se déroule actuellement au Centre Pompidou-Metz. Le fait qu’elle existe, ça en dit déjà beaucoup.