Ces derniers temps, le blockbuster de la société Mojang Studios semble être devenu le terrain de jeu privilégié d’un certain nombre d’artistes numériques attirés par son esthétique pixelisée. Pourquoi ? Comment ? Brève tentative d’explications.
Grâce à sa structure ouverte, Minecraft offre une infinité de possibilités aux gamers, qu’elles soient ludiques, compétitives ou créatives. Il n’y a qu’à se balader sur YouTube pour le constater : plus d’un trillion d’heures de contenu sont consacrées au jeu ! Parmi elles, des streams, des animations machinima, mais aussi des reproductions d’œuvres d’art célèbres, à l’image de The Pool of London d’André Derain (1906), commandée à la plateforme par le Tate Museum.
Bloc et broderie
Au milieu de ce joyeux bazar, certains artistes voient en Minecraft la genèse d’une toute nouvelle ère technologique. Fasciné par l’aspect génératif du jeu, Travess Smalleys s’intéresse par exemple à la plasticité de tous ces éléments pixelisés générés par le code. Un goût pour l’aléatoire qui infuse directement la pratique de l’Américain, consistant à exécuter des scripts dans Photoshop, à imprimer des images, puis à les exécuter à nouveau sur l’ordinateur.
Sa série la plus célèbre, Pixel Rugs, illustre bien cette obsession pour la beauté du hasard, dans le sens où celle-ci alterne les œuvres en treillis denses et psychédéliques de dégradation par glitch numérique et les reproductions physique de ces erreurs en tissage. Avec, toujours, ce clin d’œil au pixel, forme principale de Minecraft. Cette influence revendiquée a d’ailleurs valu à Travess Smalleys d’effectuer une résidence artistique au sein même du jeu aux côtés de trois autres artistes, tous soutenus par la MacKenzie Art Gallery et tous invités à expérimenter pendant deux mois dans Minecraft afin de penser des expositions virtuelles.
Une infinité de possibilités
Ce lien avec le textile, on le perçoit également chez Afrah Shafiq, artiste originaire de Goa qui parle de Minecraft comme d’une « forme populaire d’Internet et du monde du jeu vidéo ». Dithyrambique au moment d’aborder le jeu développé par Markus Personn, Afrah Shafiq le rapproche également sans difficulté de l’art populaire, quitte à comparer Minecraft à la broderie au point de croix, qui se manifeste (notamment) via la répétition infinie d’un même motif. Cette notion de populaire guide l’artiste indien qui imagine alors la fresque géante évolutive (selon l’endroit où elle est exposée) Where Do The Ants Go ?, transposant l’esthétique du jeu dans le vrai monde. « Les gens se rassemblent pour créer des choses dans Minecraft. Nous transposons cela dans l’espace physique », résume-t-il, s’exprimant au nom d’une génération d’artistes qui, de Thibault Brunet (Minecraft Explorer) à Enzo Schott, semble avoir été biberonnée au bloc.
On pense alors aux mots de Sam Bell, musicien s’inspirant lui aussi de Minecraft, fasciné par ces balades au sein de ces architectures virtuelles et l’aspect possiblement contemplatif de la plateforme : « Les possibilités sont infinies, sans que cela ne soit jamais écrasant. La beauté de Minecraft, c’est que vous pouvez vraiment voir ce grand voyage, créatif ou autre, s’étendre devant vous ».