On vous en parle très fréquemment, sans jamais avoir pris le temps d’expliquer de quoi il s’agit. « L’art génératif », deux termes qui parlent d’eux-mêmes, tout en ne disant finalement pas grand chose. Vous êtes perdus ? Pas de panique : on fait le point.
S’il n’y a jamais une seule bonne façon de définir un art, de le figer dans un imaginaire, posons au moins cette certitude : l’art génératif renvoie inévitablement à une pratique utilisant les algorithmes pour que l’œuvre se génère de façon autonome. Là où un peintre traditionnel utilise une palette de couleurs pour donner vie à ses travaux, l’artiste génératif, lui, se sert de l’ordinateur comme toile et du code comme pinceau. En cela, le processus de création d’art génératif implique de définir un ensemble de règles ou d’instructions qui définissent la manière dont l’œuvre d’art sera générée. Raison pour laquelle les techniques les plus employées ici impliquent l’utilisation de l’aléatoire, de la récursivité et des boucles de rétroaction.
Pour faire simple, l’aléatoire renvoie au hasard, l’artiste appréciant « l’erreur » volontaire et la surprise liée à des règles imprécises quand la récursivité implique la répétition d’un processus en lui-même, créant des motifs parfois très complexes. Enfin, les boucles de rétroaction permettent de créer une sorte de cercle se bouclant sur lui-même en se modifiant à chaque tour (ou « couches de ré-injections »).
Une (open) source de débat
Si l’on a tendance à penser qu’il s’agit ici d’un processus neuf, celui-ci prend en réalité sa source au milieu du XXe siècle, dès le début de la démocratisation de l’informatique. Dans les années 1950, aux côtés d’autres pionniers (John Whitney, Herbert W. Franke, Sol LeWitt, Michael Noll, Georg Nees), Vera Molnár devient ainsi l’une des premières femmes à délaisser ses pinceaux et à détourner l’informatique dans une optique artistique, ouvrant dès lors la voie à toute une génération d’artistes dans les années 1960 et 1970. Impossible pour autant de nier l’évidence : l’art génératif évolue en parallèle aux évolutions technologiques, et atteint aujourd’hui de nouvelles formes, notamment grâce à l’avènement des intelligences artificielles et des réalités alternatives.
Se pose alors une question : l’artiste est-il réellement le créateur d’une œuvre d’art génératif ? Avec l’essor de l’IA et de logiciels a priori faciles d’accès (types Blender ou Maya), le débat sur la propriété est relancé et plusieurs discours se croisent. En effet, si l’artiste donne les instructions, c’est bel et bien la machine qui permet un résultat, qui produit l’œuvre. Pourtant, celui qui détient la paternité de l’intention et du projet est bien l’artiste, totalement impliqué dans le processus et la réflexion autour de l’œuvre, de son concept. Pour en avoir la preuve, il suffit d’en discuter quelques minutes avec les grands noms actuels : Miguel Chevalier, Loren Bednar ou encore Joanie Lemercier.
Aujourd’hui encore, plus de 70 ans après son apparition, les débats perdurent pour savoir ce qu’il en est réellement, et qu’importe au fond qui a raison, l’essentiel étant que l’art génératif ne cesse de produire des œuvres qui intriguent, et donnent naissance à des conversations passionnées.