De mi-juillet à fin octobre, Fisheye Immersive part à la rencontre de huit artistes numériques venus du monde entier, profondément créatifs et déterminés à expliquer leur travail, démocratiser leur approche créative. Septième invitée : Paola Pinna, cette artiste numérique et 3D basée en Italie, fascinée par toutes les questions relatives à l’identité, à la spiritualité et à la représentation du corps féminin à l’ère digitale.
D’après toi, à quel point le numérique, la VR ou les technologies immersives vont-elles impacter les propositions artistiques, les musées ou les galeries ces prochaines années ?
Paola Pinna : Selon moi, l’impact le plus considérable est de pouvoir attirer encore plus de monde dans les musées et les lieux d’art, de créer des expériences toujours plus agréables pour le public. Quand on y pense, les outils numériques sont chaque année davantage présents dans les galeries et les musées, à tel point qu’ils fusionnent presque naturellement avec les techniques d’exposition traditionnelles. C’est encourageant !
À titre personnel, as-tu l’impression que les arts numériques/immersifs te permettent de délivrer plus concrètement un message impossible à défendre sous une autre forme artistique ?
Paola Pinna : C’est une évidence ! Étant très impliquée dans la création d’animation et d’images en mouvement, les innovations numériques influencent directement mon travail. Mais cet impact se vérifie également d’un point de vue esthétique, ne serait-ce que dans la possibilité d’obtenir pour mes personnages les looks que j’aime.
Comme chez beaucoup d’artistes, mon art est intrinsèquement lié aux outils que j’utilise, même s’il ne repose pas uniquement sur eux, sur leurs particularités. Il est évidemment possible de se dire que je pourrais traduire les mêmes idées ou transmettre les mêmes messages avec d’autres outils, plus traditionnels, mais que voulez-vous, je suis avant tout une enfant du numérique.
« Il faut laisser du temps aux artistes pour savoir lesquels seront à même d’exercer une certaine influence sur d’autres créateurs. »
Dans ce cas, comment utilises-tu les outils numériques au sein de ton processus de création ?
Paola Pinna : En tant qu’artiste 3D, je dirais que l’ensemble de mon processus de travail est lié au numérique. Bien sûr, il m’arrive de faire des croquis à la main, mais j’ai tendance à penser que cette étape va peu à peu être remplacée par l’IA, du moins dans une certaine mesure. Depuis peu, j’utilise en effet cette technologie, et je suis frappée de voir à quel point elle m’aide à trouver des idées sur le plan visuel. Pour le reste, j’utilise essentiellement Blender, Daz Studio, Unreal Engine ou encore différents logiciels de la suite Adobe pour tout ce qui concerne le post-traitement d’une image. Encore une fois, tout est très numérique, mais je tiens à conserver une certaine physicalité. D’où la volonté d’imprimer mes œuvres au moment de les exposer.
À l’heure du numérique, on dit que n’importe qui peut se revendiquer artiste, que « pousser quelques boutons » (pour reprendre une phrase lue dans certains articles) ne fait pas de nous des artistes. Quel est ton point de vue là-dessus ?
Paola Pinna : Je pense effectivement que tout le monde veut être artiste de nos jours, qu’il y a une saturation de ce mot, « artiste ». Il faut dire que les outils numériques sont si facilement accessibles… Malgré tout, cette démocratisation massive ne fait pas de tous les utilisateurs de ces technologies des artistes en puissance. Pour cela, il faut posséder un style, donner du sens à propre pratique. L’avantage, finalement, c’est que cette prolifération de propositions encourage la créativité et la liberté, ce qui est toujours une bonne chose. Il faut à présent laisser du temps aux artistes pour savoir lesquels seront à même d’exercer une certaine influence sur d’autres créateurs.
À ton avis, la scène artistique italienne est-elle particulièrement intéressée par l’art numérique et immersif ?
Paola Pinna : En toute objectivité, j’ai l’impression que l’Italie est en train de devenir une place forte pour les NFT, mais également pour les arts numériques et immersifs. Ces dernières années, j’ai été témoin d’une profonde transformation, et je constate avec plaisir que les gens sont de plus en plus attirés par l’art numérique. Par ailleurs, on a la chance de pouvoir compter sur des pionniers extraordinaires en matière d’art NFT, ce qui accompagne ce mouvement de fond visant à faire de l’art numérique et immersif la norme au sein des institutions italiennes.
Bien sûr, tout n’est pas parfait, surtout en ce qui concerne les galeries publiques. Celles qui évoluent dans un milieu underground ou certains espaces privés semblent plus ouverts à ces propositions artistiques, mais je pense qu’il faudra encore un peu de temps pour que les galeries institutionnelles suivent la tendance, bien que j’ai la sensation que cela pourrait se produire plus tôt qu’on ne le croit. De toute manière, l’Italie se doit de se mettre à niveau sur le plan technologique.