Qu’internet reflète notre culture et contienne des informations précieuses, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais comment en garder trace et consigner tout ça ? C’est la question que s’est posé l’américain Brewster Kahle via la fondation Internet Archive, lancée en 1996.
Que contient le web ? En résumé, des milliers de sites internet mis en ligne chaque jour, des images (documentaires, loufoques, trafiquées…), parfois même des oeuvres d’artistes… Au sujet des contenus en ligne, on pourrait donc dire simplement qu’il y a de tout, à prendre et à laisser. Seulement voilà : s’intéresser à ce domaine avec un regard d’historien, c’est comprendre que chaque micro-élément peut avoir de la valeur pour les générations futures.
De là considérer Internet comme un témoin de son temps ? C’est du moins l’idée avancée par Brewter Kahle au moment de constituer une archive du web. La BNF, qui l’a suivi dans ce projet un peu fou, approuve : « Pour moi, c’est sur le Web que la connaissance de la société d’aujourd’hui se bâtira dans le futur, précise Julien Masanès, conservateur chargé de conduire l’archivage entre les murs de la plus grande bibliothèque de France. Ce sera un matériau fantastique pour les chercheurs, parce qu’il n’y a pas de médiation, ça concerne tout le monde. »
Une mémoire vorace et trouée
Pour l’art, l’enjeu est de taille, ne serait-ce que pour préserver ces sites créés par des artistes qui constituent des projets ou des formes d’expression en soi, et qui, pourtant, risquent un jour ou l’autre de se perdre dans les limbes du web… Pensons, par exemple, à vvork.com (2006-2012) lancé par les artistes Oliver Laric, Aleksandra Domanović, Georg Schnitzer et Christoph Priglinger, à une époque où l’émergence d’un web visuel ne paraissait pas encore être une évidence.
Le problème, c’est que la profusion de ce qui circule en ligne n’est pas sans poser quelques dilemmes, notamment en termes de stockage, ou sur le plan écologique. Chaque année, ce sont en effet près de 120 To de données qui s’ajoutent aux data-centres de la BNF. Un chiffre colossal, qui ne concerne pourtant que la France…
Quant aux éléments archivés, ceux-ci font l’objet d’une « collecte ciblée », selon des sujets d’actualité et des thématiques supposés être dignes d’intérêt. Bref, on est encore loin d’avoir trouvé la solution idéale. Ce qui explique en grande partie la raison d’être de la fondation Internet Archive, mais aussi les démarches d’artistes contemporains (Sabrina Ratté, Daniel Arsham…), véritablement obsédés par le sujet de l’archéologie du futur.