Récemment exposée en solo au Muffathalle, en Allemagne, après avoir séduit le public du MUTEK, du Sónar ou du Tribeca Festival, l’artiste sino-canadienne Sougwen Chung ne cesse de séduire grâce à une pratique hybride basée sur l’usage de la technologie.
Formée aux Beaux-Arts de Bloomington, aux États-Unis, avant d’évoluer au sein de grandes institutions comme le MIT Media Lab, Sougwen Chung, 39 ans, a rapidement développé un travail en collaboration avec des systèmes robotiques et des algorithmes d’intelligence artificielle. Les artistes n’étant pas tenus à une rigueur scientifique, contrairement aux physiciens, cette pratique unique lui permet non seulement d’explorer des terrains inconnus, mais ouvre également une réflexion plus large sur l’interaction entre l’artiste, l’outil technologique et la main humaine. Une manière somme toute subtile de questionner la place de l’intuition dans un monde de plus en plus mécanisé.
D’égal à égal
Dès ses premières œuvres, au mitan des années 2000, Sougwen Chung introduit le concept de co-création avec la machine. À l’instar d’un grand nombre d’artistes de sa génération, celle qui vit aujourd’hui à Londres, où il a fondé le studio SCILICET, ne considère pas la technologie comme un simple outil, mais comme un véritable collaborateur créatif. Ses robots, appelés D.O.U.G (Drawing Operations Unit Generation), ne sont donc pas des assistants automatisés : au contraire, ils sont intégrés à un processus itératif où l’artiste et la machine se répondent mutuellement, en temps réel. À chaque mouvement du pinceau de Chung, les robots dessinent, suivant des modèles d’apprentissage basés sur ses propres gestes artistiques antérieurs. Cette symbiose entre l’organique et le mécanique est fascinante : elle induit l’idée d’une forme de mémoire collective entre l’humain et l’IA.
Largement opposés, la nature et la technologie se rejoignent en harmonie dans la pratique de Sougwen Chung, née d’une certaine fascination pour les liens entre les systèmes biologiques et artificiels. Souvent décrits comme organiques, les mouvements de ses machines rappellent ainsi les interactions complexes observées dans la nature, comme celles des essaims d’oiseaux ou des flux d’informations neuronales. Fascinante, cette inspiration bio-informatique renforce l’impression que son art est vivant, évoluant à chaque instant en fonction de ses interactions avec les algorithmes. Quant aux œuvres de Sougwen Chung, elles incarnent une philosophie où la collaboration homme-machine n’est pas une menace, mais une opportunité de découvrir de nouvelles formes d’expression.
Une vision utopique rafraîchissante
Une véritable réflexion sur la relation entre l’art, la technologie et le futur de la créativité humaine s’installe alors. Lorsque Sougwen Chung s’exprime sur son travail, l’artiste évoque d’ailleurs un avenir où les machines ne remplacent pas les artistes, mais les accompagnent dans une exploration nouvelle des possibles créatifs, main dans la main. « La machine apprend de nous, tout comme nous apprenons d’elle » résume-t-elle dans les colonnes de Maddyness. En ce sens, elle propose une vision optimiste et collaborative de l’IA, loin des craintes dystopiques souvent véhiculées, et ose se jouer d’une interrogation qui obsède l’époque : jusqu’où ira cette co-création ? Peut-être est-ce justement cette question, et non la réponse, qui fait de son art un témoignage essentiel de notre époque.