On n’a jamais autant vendu d’œuvres d’art aux enchères. Pourtant, à en croire le rapport d’Artprice, le marché n’a jamais aussi peu rapporté… Pourquoi ? Comment ?
Publié le 10 mars dernier, quelques jours après la conclusion d’une vente d’œuvres IA en demi-teinte chez Christie’s, le 30ème rapport d’Artprice révèle que le produit mondial des ventes aux enchères d’art a atteint son prix le plus bas depuis 2009. Soit 9,9 milliards de dollars, ce qui signifie également une baisse de 33,5% en 2024 par rapport à 2023 – qui avait déjà dégringolé de 14%. Une chute considérable qui s’explique par une conjoncture actuelle peu favorable.
En effet, entre les élections américaines, les différentes guerres en Ukraine et au Proche-Orient, ou plus évident encore la baisse du pouvoir d’achat à l’international, les collectionneurs semblent plus réservés qu’à l’accoutumé. Pourtant, en salles de ventes, ce ne sont pas les œuvres qui manquent. Bien au contraire. Plus rares ces dernières années, les pièces plus abordables ont explosé, notamment sur les plateformes en ligne qui poussent les plus jeunes à investir, eux aussi, dans un marché qui leur était jusqu’alors peu accessible – lire à ce sujet notre entretien avec le collectionneur Brian Beccafico dans notre newsletter éditoriale n°45. Parmi les points positifs, on compte par exemple plus de 800 000 transactions uniquement en 2024, soit une hausse de 5% par rapport à l’année précédente.
Quelques progrès à noter
Si le résultat global n’incite pas à l’optimisme, le rapport note cependant quelques évolutions. En premier lieu, l’arrivée fracassante de l’IA et des œuvres numériques qui ont diversifiés l’offre tout en explosant les scores. Fin novembre 2024, un portrait du mathématicien anglais Alan Turing, réalisé par un robot humanoïde autonome (Ai-Da), a par exemple été cédé pour 1 million de dollars, soit dix fois plus que son estimation première.
L’avancée se veut également plus sociale. Si elles restent toujours sous-côtées par rapport à leurs collègues masculins, les artistes femmes séduisent de plus en plus d’acheteurs, représentant aujourd’hui 48,5% des nouveaux entrants contre seulement 8% il y a vingt ans. Une quasi-égalité probablement encouragée par des expositions plus inclusives au sein des institutions muséales. Pour autant, seules 12% d’entre elles réussissent à se hisser dans le top 500 des artistes les plus chers, guidées par Georgia O’Keeffe et son Jimson Weed/White Flower No 1, adjugé pour 44,4 millions de dollars en 2014. Il y a dix ans, donc… Car oui, sans surprise, l’œuvre la plus onéreuse de 2024 est bien celle d’un homme : il s’agit d’une version de L’Empire des lumières de René Magritte, cédée pour 121 millions de dollars. Bonne nouvelle, donc : même en temps de crise, les collectionneurs savent toujours se montrer aussi généreux !