Jouissant d’une solide réputation au sein de l’art conceptuel, notamment acquise grâce aux prestigieux artistes qu’elle représente (Tracey Emin, Damien Hirst), la Saatchi Gallery continue de se montrer défricheuse et d’asseoir son statut en misant aujourd’hui sur les NFT.
Dans le cadre de la Focus Art Fair, qui s’est déroulée du 4 au 7 octobre, la Saatchi Gallery s’est démarquée de ses confrères en proposant à la vente une collection d’œuvres d’art numérique intitulée « Long Live London ». Si elle n’en est pas à son coup d’essai – rappelons que les gins Hendrick’s y avaient organisé une exposition NFT en 2021, tandis que Arrival, en mai dernier, se présentait comme une exposition curatée par l’artiste CryptoZR -, la galerie s’illustre aujourd’hui grâce à un choix curatif marqué, qui relève presque de la prise de position.
Hybride et défricheur
Ne l’oublions pas : la Saatchi Gallery figure parmi les institutions marchandes les plus puissantes au monde. Qu’elle fasse le choix de montrer des œuvres NFT lors d’une foire de cette importance envoie donc un message fort au monde de l’art. L’un des artistes exposés, Leo Crane, n’en revient d’ailleurs toujours pas: « C’est incroyable d’être affilié à Saatchi et d’être exposé à Londres, ma ville natale ! ».
Avant de poursuivre : « L’une des expériences les plus formatrices de ma vie fut d’assister à l’exposition Sensation de Saatchi à la Royal Academy en 1997, qui présentait des œuvres du mouvement des Young British Artists. Je me souviens du choc de chacune de ces expositions, de la controverse et du choc qu’elles ont provoqué dans les médias, en nous demandant de reconsidérer ce qu’est l’art, qui peut créer de l’art, quel genre de messages pouvons-nous transmettre avec l’art. Nous pourrions refaire la même chose avec le crypto-art : nous pourrions complètement révolutionner la façon dont les gens pensent à l’art et quels supports sont valables pour le montrer. »
Redorer le blason des NFT
En s’attaquant ainsi au monde de la crypto, la Saatchi Gallery offre ainsi une approbation publique dont avait bien besoin le monde des NFT. Lequel, nous vous le disions récemment, ne semble plus autant intéresser les acheteurs et les passionnés d’art. Si la rumeur veut que 95% des NFT soient aujourd’hui sans valeur, l’institution londonienne s’en moque et a su prouver que les 5% restants sont à traiter avec le même respect que toutes les avant-gardes qu’elle a toujours célébrées. « Saatchi entretient une longue histoire avec des artistes rebelles et précurseurs, et il est rassurant de voir qu’elle n’a pas perdu ce lien. Cette exposition, avec ces artistes, est un témoignage de la diversité des œuvres d’art. C’est une représentation absolue et brillante ! », se félicite l’artiste NFT ARTJEDI1 (alias Bea Kayani), présente au sein de l’exposition aux côtés de Clare Maguire, Ishika Guha ou encore Vittorio Bonapace.
Outre la qualité de certaines œuvres disponibles sur la blockchain, le désintérêt général est probablement dû au manque d’éducation et de pédagogie quant à ces formes de création. Une exposition de cette envergure, approuvée par une galerie historique, ne peut qu’encourager les institutions à développer leur médiation autour des NFT et, peut être, éveiller des passions chez les néophytes. On attend de voir ce que les galeries françaises en pensent !