Artiste-chercheur, ancien professeur et fan de cli-fi (climate fictions), Chris Salter surprend et bouleverse une fois de plus son public avec son spectacle immersif Animate. Celui-ci, présenté lors du festival MUTEK à Montréal, plonge au coeur du théâtre des désordres naturels.
En cette rentrée, on a le sentiment que les artistes se relaient pour marteler un même message : celui d’une nature abîmée, à bout de souffle, qui menace de se retourner contre les humains. Parmi eux, l’éminent Chris Salter – à la fois artiste multimédia, écrivain et directeur de l’Immersive Arts Space de l’Université des Arts de Zurich. À son actif, de nombreuses installations et performances fusionnant théâtre et nouvelles technologies, précisément dans l’idée de repousser les limites de la perception sensorielle. Animate, son dernier projet, poursuit la même ambition : présenté pour la première fois au Mutek, ce dernier propose d’aller encore plus loin que ce que son auteur a réalisé jusque-là.
Contre la cécité collective
Derrière le spectacle hybride, Animate, qui rassemble à la fois des acteurs sur scène et des effets 3D visibles grâce à des lunettes et des visières dernier cri, témoigne d’une hantise. Celle, pour Chris Salter, d’observer l’indifférence générale face au changement climatique, comme si on y était aveugles, immunisés à la vue des catastrophes car trop absorbés par les mondes virtuels, les réseaux sociaux, les écrans, le travail de bureau… Qu’apporte donc la VR ? La possibilité de venir chercher les spectateurs dans les environnements immatériels où ils errent, et donc les reconnecter au monde d’ici-bas.
Pour cela, Chris Salter s’est d’abord appuyé sur la suspension de la croyance chère au monde du théâtre (mise en condition suivant laquelle le public oublie qu’il est spectateur d’un spectacle), ainsi que sur un florilège de visions futuristes amplifiant la perception des dégradations subies par la planète. Pivot du dispositif, le public est invité à interagir avec l’environnement virtuel, métaphore du cadre de vie que l’on a malheureusement tendance à détruire au quotidien.
Si Animate a pour mérite d’offrir l’opportunité au public d’adopter une autre conduite, l’effet escompté, selon les dires de l’artiste, est encore plus ambitieux : il s’agit pour Chris Salter pour dire que la crise écologique n’est plus « une chose abstraite avec des graphiques. C’est physiquement réel, dans votre corps. »