Avant de s’imposer dans les musées, l’art numérique trouve sa source dans les bibliothèques. « Book Club » revient sur ces livres fondateurs des mouvements créatifs explorant les liens avec les nouvelles technologies. IA, métavers, réalité augmentée… Ces auteurs avaient déjà tout prévu ! Aujourd’hui, focus sur Chaos & Cyberculture, cet ouvrage de Timothy Leary publié en 1996 et développant l’idée de l’émergence d’un nouvel humanisme lié à la technologie.
L’auteur
Né le 22 octobre 1920 à Springfield dans le Massachusetts (USA), Timothy Leary est un essayiste américain, psychologue de formation, célèbre pour avoir été l’un des plus fervents partisans des bienfaits thérapeutiques et spirituels du LSD. Après avoir obtenu une licence en psychologie à l’université d’Alabama en 1943, puis avoir passé un doctorat en psychologie à l’université de Californie à Berkeley sept ans plus tard (où il enseigne par la suite pendant cinq ans), il obtient le poste de directeur du département de recherche en psychiatrie Kaiser de l’université d’Oakland, avant d’être engagé en tant que conférencier en psychologie à l’université Harvard.
C’est durant cette période, et plus exactement en août 1960, qu’il se rend à Cuernavaca, au Mexique, où il consomme pour la première fois des champignons hallucinogènes contenant de la psilocybine. Cette expérience aura un impact fondamental sur Timothy Leary qui tournera ses recherches sur l’usage des psychotropes et leurs bienfaits dans le domaine de la santé mentale. En marge de ces expériences sous substances, l’Américain fut également l’un des premiers théoriciens de la cyberculture, ce qui donna naissance à son livre Chaos et Cyberculture, ouvrage de références concernant le cyber-impact dans la société.
Le pitch
Chaos & Cyberculture reflète la conviction de Timothy Leary selon laquelle le 21ème siècle verrait l’émergence d’un nouvel humanisme, caractérisé par la contestation de l’autorité, la liberté de pensée et la créativité personnelle grâce, notamment, à l’accès informatique et aux nouvelles technologies de la communication. Représentant la plus importante contribution de l’auteur depuis ses études menées sur les psychotropes dans les années 1960, l’ouvrage, réparti en quarante chapitres, comprend une multitude d’entretiens avec des personnalités de la littérature, de la musique et du cinéma, qui sont aussi des amis de Leary, tels que William Gibson, William S. Burroughs ou encore Winona Ryder.
Notre avis
Celui que Richard Nixon qualifiait « d’homme le plus dangereux du monde » frappe fort avec ce manifeste où le LSD est remplacé par le PC. Cumulant les essais provocateurs, Chaos & Cyberculture est à l’image de l’esprit de Leary : bouillonnant, chaotique et brillant. Ici, Leary compare la consommation d’écran avec celles de drogues, ce qui est, presque trente ans plus tard, devenu un sujet d’utilité publique. « Les ordinateurs créent plus de dépendance que l’héroïne. […] Les gens ont besoin d’un moyen d’activer, de démarrer et de changer de disque dans leur esprit. Dans les années 60, nous avions besoin du LSD pour élargir la réalité et examiner nos stéréotypes. Avec les ordinateurs, comme miroirs du LSD, sa prise ne serait peut-être pas nécessaire maintenant », écrit-il notamment, ouvrant ainsi des pistes de réflexion sur nos rapports à l’informatique aujourd’hui.