Avant de s’imposer dans les musées, l’art numérique trouve sa source dans les bibliothèques. « Book Club » revient sur ces livres fondateurs des mouvements créatifs explorant les liens avec les nouvelles technologies. IA, métavers, réalité augmentée… Ces auteurs avaient déjà tout prévu ! Aujourd’hui, focus sur La Technologie dans l’art : De la photographie à la réalité virtuelle d’Edmond Couchot, qui se penchait en 2002 sur l’influence de la technologie dans la création artistique, 20 ans avant que l’IA ne fasse son entrée fracassante dans les ateliers.
L’auteur
Cofondateur du département des Arts et Technologies de l’Image (ATI) de Paris 8, Edmond Couchot est l’une des figures pionnières de l’art numérique. Peut-être plus fort encore, le Français est l’un des premiers à avoir théorisé le rapport entre art et technologie. Né à Alger en 1932, il s’oriente d’abord vers la recherche axée sur le lien entre peinture et cinétisme, quelques années avant de se tourner vers une pratique plastique censée encourager la participation du spectateur. En 1965, il entreprend une série de dispositifs cybernétiques qu’il appelle « mobiles musicaux » et qui, en plus de réagir aux sons environnants, peuvent en proposer eux-mêmes. Ce travail, qui durera jusqu’en 1973, lui vaudra d’être reconnu par ses pairs et de participer à diverses expositions : la 5ème Biennale internationale de Paris en 1967, Demain, un événement monégasque organisé par le célèbre critique Pierre Restany un an plus tard, mais aussi l’exposition Cinétisme et environnement à Grenoble la même année.
En 1969, Edmond Couchot est invité à participer à la création du Département d’arts plastiques de l’Université expérimentale de Vincennes et débute sa carrière d’enseignant. Il fonde, en 1982, un nouveau département, Arts et Technologies de l’Image, qu’il dirige jusqu’en 2000, marquant ainsi un tournant dans la démocratisation de l’utilisation de la technologie dans les arts. Parallèlement à ses activités d’artiste et de professeur, Edmond Couchot rédige de nombreux essais, étudiant les rapports des arts de l’image et des techniques informatiques.
Le pitch
Analysant de façon précise l’influence de la science et de la technologie sur l’art, l’ouvrage La Technologie dans l’art : De la photographie à la réalité virtuelle d’Edmond Couchot aborde à travers un nouveau prisme de nombreuses questions déjà soulevées du temps de Baudelaire. Faisant cohabiter de nouvelles lectures d’œuvres emblématiques avec des manières de créer inédites, parlant aussi bien de photographie ou de cinéma que d’art numérique, n’essayant pas de traiter ce vaste sujet de manière objective, Edmond Couchot assume sa subjectivité, et brosse en fin de compte un tableau très juste de l’impact des outils technologiques dans le monde d’aujourd’hui. Avec, en tête, cette volonté de questionner les « rapports qui s’établissent dans le domaine des arts visuels, entre automatismes techniques et la subjectivité ».
Notre avis
La Technologie dans l’art : De la photographie à la réalité virtuelle séduit de prime abord par style d’écriture accessible, qui permet aux curieux de satisfaire leur désir d’approfondir leurs connaissances au sujet des arts multimédias. Au fur et à mesure des pages, on est tout autant impressionné par le raisonnement d’Edmond Couchot, qui prolonge ici les recherches effectuées à l’occasion de l’ouvrage Images. De l’optique au numérique (1988), et prend le temps de dresser un portrait sain d’outils (encore) décriés dans le monde de la création.
En effet, quel artiste numérique n’a jamais entendu le sempiternel débat sur la place du créateur au sein d’une œuvre générée grâce à la technologie ? En faisant l’historique de toutes les fois où les logiciels, les ordinateurs ou autres outils informatiques ont été mis au service de l’art, Edmond Couchot, décédé en 2020, offre une réponse bienvenue aux détracteurs de la création numérique, qu’il accuse de vouloir déposséder « le créateur de toute singularité et de toute expressivité ». 21 ans plus tard, force est de constater que si les mentalités ont évolué, les débats restent foncièrement les mêmes.