Présentée à la Fête des Lumières de Lyon, Cellulo/d voit l’artiste Bruno Ribeiro confronter les premières heures du cinéma aux hallucinations de l’intelligence artificielle. Un coup de maître !
Présentée sur les façades de la place des Terreaux, Cellulo/d rappelle le choc qu’ont ressenti les premiers spectateurs de L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat (1896), sous le choc d’un tel degré de réalisme – une sensation similaire à celle expérimentée aujourd’hui, quotidiennement, lorsque l’on découvre les possibilités de l’intelligence artificielle.
Ce lien, très intéressant, l’artiste français Bruno Ribeiro, réalisateur d’AURA, actuellement visible aux Invalides, l’explore volontiers en faisant évoluer les chefs-d’œuvre des frères Lumière grâce à différents programmes d’IA (tels que Stable Diffusion ou Warp Fusion), qui permettent de réinventer leurs films en des westerns, des dessins-animés ou d’inquiétantes dystopies, dans une boucle de huit minutes qui se développe au son de la musique de Rone.
Le charme des débuts
Alors que l’on vous parlait récemment de la campagne Heetch, qui s’insurgeait contre les data liées à la banlieue, ou de Justine Emard, qui a créé sa propre base de données pour son oeuvre Hyperphantasia, Bruno Ribeiro prend ici le contre-pied et s’amuse des erreurs de l’IA liées à des prompts finalement peu fiables. « La plupart du temps, un prompt ne donne rien d’intéressant, explique-t-il lors d’un entretien accordé à Libération. Mais en modifiant une seule valeur, on peut obtenir quelque chose de très différent. J’adore cette part d’aléatoire, qui exige un lâcher-prise. »
Un doigt manquant, un visage imprécis ou des stéréotypes franchement excessifs : pour Ribeiro, c’est là tout le charme d’une IA encore balbutiante. Au sein de Cellulo/d, les mots-clés sont donc encore visibles, tandis que les différents personnages, à en croire l’artiste, ressemblent à « un Golem tentant d’imiter un humain ». Cette imprécision sera-t-elle éternelle ? Impossible de l’affirmer, tant les programmes d’IA se développent à une vitesse folle. Sachons donc profiter simplement d’un temps où les ficelles se décèlent encore, avant de se perdre entre réalité et réalités alternatives. Un peu à la manière des amateurs des premières heures du 7ème art, pour qui le manque de réalisme constitue la plus belle des erreurs. Des frères Lumière à l’IA, n’y aurait-il qu’un pas ?