L’informatique, un milieu d’hommes ? Allez donc dire ça à Ada Lovelace, mathématicienne de génie, pionnière et source d’inspiration d’Ai-Da, premier robot humanoïde peintre.
Fille du poète romantique anglais Lord Byron et d’Annabella Milbanke, Augusta Ada Byron (1815-1852) grandit essentiellement avec sa mère, après que cette dernière ait fuit son époux violent en 1816. Férue de mathématiques, Annabella Milbanke transmet son goût pour les chiffres à sa jeune Ada, qu’elle surnomme « la princesse des parallélogrammes » – le destin semble tout tracé.
Malgré une santé fragile, Augusta Ada Byron se plonge ainsi à corps perdu dans l’étude des mathématiques et des sciences, deux domaines peu habituels pour une jeune fille issue de la noblesse anglaise et qui, pourtant, l’amènent à faire la rencontre en 1832 d’une des rares scientifiques féminines célèbres : Mary Somerville, à qui l’on doit la traduction du « Traité de mécanique céleste » de Laplace et la découverte, au côté de l’astronome John Couch Adams, de la planète Neptune. Sans doute encouragée par une forme d’identification, Mary Somerville devient rapidement la tutrice d’Ada et lui présente, dès 1833, Charles Babbage, un polymathe britannique visionnaire auprès de qui Ada s’apprête à découvrir les machines à calculer. Lesquelles vont devenir chez elle une véritable obsession.
La mère de la programmation
Devenue Ada Lovelace suite à son mariage avec William King, 1er comte de Lovelace, en 1835, à seulement 20 ans, la mathématicienne effectue alors une pause de quatre ans dans ses études avant de les reprendre en compagnie du célèbre mathématicien, Auguste De Morgan. Dès 1841, l’Anglais consacre ainsi ses travaux à l’étude, au développement et à la promotion de la machine analytique de Babbage, l’ancêtre de l’ordinateur. Alors que le mathématicien lui confie la traduction d’un de ses articles scientifiques, Ada Lovelace y ajoute quelques notes dont la pertinence impressionne Charles Babbage.
« On peut considérer à raison que la machine analytique tisse des modèles algébriques comme le métier Jacquard tisse des fleurs et des feuilles. »
Pour Ada Lovelace, l’usage de la machine à calculer – ou « machine analytique » – de Babbage n’est pas uniquement réservé aux nombres mais aussi aux lettres et à tout ce qui peut être représenté par des notations symboliques. Dans ses notes, la scientifiques envisage notamment le concept d’une machine universelle programmable, capable d’exécuter une série illimitée de tâches interchangeables, ainsi que celui d’une machine généraliste qui ne se limite pas aux nombres, car dotée d’un programme comportant la première boucle conditionnelle. Le code est né.
Il faut toutefois attendre les années 1930 et Alan Turing pour que cette idée d’un calculateur universel capable de manipuler des symboles généraux soit réellement prise au sérieux et mise en place. Victimes de « l’effet Matilda » (ou l’invisibilisation systémique des femmes dans la recherche scientifique), les pensées d’Ada Lovelace ne connaîtront leur réhabilitation qu’au moment de l’avènement de l’informatique, lorsque Jack Cooper, du Naval Material Command, insuffle l’idée de nommer « Ada » le le langage de programmation conçu entre 1977 et 1983 pour le département de la Défense des États-Unis (DoD).
En 2019, elle sert également d’inspiration à Ai-Da, première artiste robotique humanoïde au monde, dotée d’une intelligence artificielle et d’un ordinateur interne, dont les travaux sont alors exposés à l’Université d’Oxford (Unsecured Futures). Quant à Ada Lovelace, elle est depuis régulièrement célébrée comme l’une des personnalités les plus importantes de la recherche scientifique.