Mapping, avatar, réalité augmentée, installation interactive… la danse se met à l’heure du digital ! Dans ce domaine, la France n’est pas à la traîne, de nombreuses institutions présentant ou produisant même des spectacles de danse immersifs. À l’image de ce qui se déroule à Chaillot – Théâtre national de la danse, où des Focus Numériques particulièrement innovants montrent le travail de chorégraphes curieux de connecter leur créativité aux nouvelles technologies.
Spécialisé dans la danse contemporaine, Chaillot – Théâtre national de la danse ne pouvait pas se permettre de rater le coche de l’immersion. Dans le cadre de leur programme Chaillot Expérience, l’institution a donc créé un rendez-vous dédié et baptisé Focus Numérique. La dernière édition a eu lieu en juin et rassemblait quelques pointures : Claire Bardainne & Adrien Mondot, Gilles Jobin, la compagnie AΦE ou encore Eugénie Andrin. « Dans les équipes de Chaillot, nous sommes convaincus que les imaginaires artistiques peuvent être stimulés par les nouvelles technologies, explique Pierre Lungheretti, directeur délégué. En France, la création est une de nos grandes forces. Il y a énormément d’appels à projets et de programmes qui incitent les artistes et les acteurs culturels à s’investir dans les enjeux du numérique. Depuis la nomination de Rachid Ouramdane en avril 2021, Chaillot, en tant que maison de production également, s’intéresse ainsi de très près aux possibilités qu’offre le digital. Cet univers ouvre de nouvelles perspectives, la porte à de nouveaux territoires pour les artistes et la voie à de nouveaux spectacles ».
Jeux olympiques obligent, la saison 2023/2024 sera dédiée à cet évènement, mais Chaillot reviendra en force pour la suivante. Pierre Lungheretti en fait la promesse : « Nous souhaitons développer notre projet Chaillot Augmenté, qui se constitue de la façon suivante : un outil de production, une capacité à diffuser plus largement les spectacles immersifs et une source de sensibilisation et de mobilisation destinée aux artistes. Ils n’appréhendent pas tous cet éco-système digital de la même façon. Un de nos rôles est de créer des conditions favorables à cette familiarisation, aussi bien pour les artistes que le public ».
Nouvelles technologies : entrez dans la danse !
Les Focus Numériques deviendront un rendez-vous récurrent qui permettra de suivre les avancées technologiques qui vont bon train. « Nous en sommes encore au stade expérimental. Mais même à ce niveau, cela nous intéresse de partager les projets avec le public ». Celui-ci se veut d’ailleurs assez réceptif. L’IA, la réalité virtuelle, les technologies immersives, le métavers : tous ces outils passionnent effectivement autant les chorégraphes que le public, curieux de découvrir de nouvelles formes de divertissements.
Du côté des institutions, l’ambition est donc de jouer à présent sur les deux terrains, d’être à la fois diffuseur et producteur afin d’accompagner au mieux les artistes sur la voie du digital. « Nous apportons des espaces, mais nous investissons aussi en tant que producteur », précise Pierre Lungheretti. Ainsi, Chaillot – Théâtre national de la Danse a coproduit Dernière minute, le show immersif signé Claire Bardainne & Adrien Mondot et présenté lors du dernier Focus Numérique. Cette installation place les spectateurs « à hauteur de particule », les invitant à interagir avec des gouttes d’eau, des vagues, des cendres, l’air et même des figures géométriques abstraites. Ils deviennent ainsi les acteurs de cette chorégraphie onirique et orchestrée par différentes projections numériques, visibles sur le sol ou via un écran rectangulaire transparent.
La scène et le monde virtuel, même combat
Si certaines installations comme Dernière minute nécessitent que le spectateur se déplace en salle, d’autres, à l’instar de Cosmogogy imaginée par Gilles Jobin, et diffusée sur un écran, pourraient tout aussi bien être vues chez soi – à condition d’être équipé d’un bon ordinateur. Ce que l’on y voit ? Trois danseurs en direct d’un studio de Genève investissant le corps d’avatars présents dans la salle, via l’écran, et embarquant le spectateur dans un voyage psychédélique au-delà de la réalité.
Pour Pierre Lungheretti, les institutions verraient d’un bon œil ce procédé, qu’elles considèrent comme un appel à venir dans leurs salles. « Nous sommes persuadés que les spectacles vus de manière immersive en ligne ou avec des outils numériques peuvent donner envie aux gens de venir dans les théâtres. Nous ne voulons pas creuser un fossé entre la scène et le monde virtuel, bien au contraire. Dans notre projet Chaillot Augmenté, nous envisageons de favoriser les interactions entre les deux, d’accompagner le public vers des expériences immersives en ligne ou à vivre devant une scène. Surtout, nous voulons les amener vers des projets hybrides, qui incluent des interactions entre le réel et le virtuel ».
Bonne nouvelle : ces propositions ne cessent de s’accentuer. Car, si Saburo Teshigarawa (Miroku – 2007) ou Benoît Lachambre (Is You Me – 2008), entre autres, n’ont pas attendu l’arrivée des dernières technologies numériques pour faire de l’interdisciplinarité une source d’interactivité, force est de constater que, de (LA)Horde à Focus Numérique, le monde de la danse (ainsi que celui du spectacle vivant, à l’image des propositions de Tsirihaka Harrivel) voit dans l’immersion une nouvelle manière d’écrire son avenir. Nul doute que celui-ci sera passionnant.