Professeur d’art à l’université d’État de l’Ohio, Charles Csuri est également artiste et informaticien. Trois casquettes qui lui ont permis, en 1967, de créer Sine Curve Man, et être ainsi le premier à réaliser un portrait entièrement numérique. On rembobine.
On l’appelle le « père de l’art numérique ». Né en 1922 en Virginie-Occidentale (USA), Charles Csuri ne semble pas vraiment prédestiné à tomber amoureux du codage informatique. Joueur de football américain, c’est par le sport qu’il rentre à l’Université d’État de l’Ohio, avant d’être appelé pour la Seconde Guerre mondiale. Durant son temps au front, il se familiarise avec les ordinateurs militaires et, à son retour, poursuit ses études en ingénierie au Newark College of Engineering, grâce au programme des GI Bill, puis obtient un master en Beaux-Arts.
Sine Curve Man, une œuvre pionnière
Bien qu’il devienne par la suite professeur d’art, Charles Csuri continue d’entretenir des liens étroits avec l’informatique, et se met en tête de réaliser des œuvres avec un ordinateur. En 1964, il voit pour la première fois une image générée numériquement, puis réalise l’année suivante son propre design figuratif sur un IBM 7094 (considéré comme l’un des ordinateurs le plus puissants de l’époque), avec un traceur à tambour utilisant le langage de programmation FORTRAN. En 1967, l’artiste américain va encore plus loin et imprime son rendu sur du papier traceur et du plexiglas, transformé par la suite en animation. Considéré comme le premier avatar de l’histoire, l’homme représenté sur Sine Curve Man donne surtout naissance au morphing, une technique d’effets spéciaux que l’on retrouve jusque dans le clip Black or White de Michael Jackson (1991).
Toujours un coup d’avance
Esthète dans l’âme, Charles Csuri est donc à l’origine d’une véritable révolution, présentée par le critique Douglas Davis comme « un mélange complexe de réalité et de mathématiques, doté d’un étrange pouvoir émotionnel ». Sine Curve Man est si avant-gardiste qu’elle figure dès 1968 au sein de l’exposition fondatrice Cybernetic Serendipity, à l’Institute for Contemporary Art de Londres, avant d’être rachetée par le Whitney Museum de New York, tout fier de compter l’œuvre au sein de sa collection.
Rassuré par l’intérêt porté à son travail, Charles Csuri souhaite prolonger ses recherches. Pour cela, il reçoit le soutien financier de la National Science Foundation (NSF), bourse qu’il utilise pour soutenir à son tour des ingénieurs informatiques cherchant à développer les outils imaginés par ses soins pour créer de l’art numérique. En 1971, l’Américain finit même par créer sa première organisation officielle, le Computer Graphics Research Group (CGRG) à l’OSU, rebaptisée par la suite Advanced Computer Center for the Arts and Design (ACCAD), afin de développer des applications d’animation sur ordinateur. Résultat ? Les recherches avancent et, en 1984, Charles Csuri donne naissance à la première société d’animation par ordinateur au monde, Cranston Csuri Productions. La boucle est bouclée.