Originaire d’Égypte, l’artiste multimédia Hadeer Omar explore les aspects les plus reculés de la psychologie humaine et vise à mettre l‘Afrique du Nord et le Moyen-Orient sur le devant de la scène.
Un élément biographique
Née en 1988 en Égypte, Hadeer Omar jongle entre deux carrières : celle d’artiste spécialisée dans les nouveaux médias et celle de professeure adjointe à VCUarts au Qatar, où elle a obtenu un double diplôme (Bachelor of Art, Master of Fine Arts) et où elle enseigne aujourd’hui les médias temporels et la narration, permettant aux étudiants de se familiariser avec les technologies XR. Ce goût pour les histoires et la transmission, on le retrouve également dans sa pratique protéiforme, qui se synthétise sous la forme d’un art complexe, multiple, Hadeer Omar utilisant autant le cinéma et la photographie que le design et l’installation pour disséquer l’humanité et examiner de près les notions d’identité culturelle et de mémoire au sein du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Un parti-pris qui a notamment fait d’elle l’une des co-présidentes de la conférence Tasmeem Doha Art and Design en 2019, et qui lui a également permis de participer au programme d’artiste en résidence à la caserne des pompiers de Doha, de 2019 à 2021, où elle a développé son installation audiovisuelle Fragmented Realities. Installée au sein de la capitale du Qatar, Hadeer Omar y a multiplié les projets : en 2022, par exemple, elle officiait en tant que directrice créative des clips musicaux officiels de la Coupe du monde de la FIFA, « Light the Sky » et « Ezz Alarab ». Un an plus tard, elle collaborait également avec Sonic Jeel et Katia Kolovea sur And thereafter, une commande réalisée dans le cadre du festival photo de Tasweer au Qatar, démontrant une fois de plus son expertise en matière de narration visuelle.
Une oeuvre
Réalisée en 2019, Fragmented Realities est une installation immersive à projections multiples qui se concentre sur la thématique du rêve. « Les rêves sont très personnels, mais ils sont aussi universels, car c’est un processus qui nous concerne tous, explique Hadeer Omar au média WePresent. La façon dont les gens les décrivent représente la narration la plus brillante. Ils créent le temps, l’espace, l’ambiance. On s’immerge dans leur monde à travers leur imagination. » Imaginée en parallèle de la pandémie de COVID-19, durant sa résidence à la caserne des pompiers de Doha citée plus haut, l’œuvre s’appuie sur les évasions nocturnes de ses amis et de ses étudiants de VCUarts. Après avoir interprété visuellement et réimaginé ces scènes, l’artiste a souhaité projeter ces fragments de rêves sur des monticules d’oreillers de chambre à coucher dans un ensemble confortable et chaleureux. En résulte une installation surréaliste au sein de laquelle l’Égyptienne crée des liens à partir de la matière la plus intime : l’inconscient.
Une récompense
En 2017, Hadeer Omar présente 3arabizi keyboard, un projet pour lequel elle reçoit une mention honorable au prix STARTS – Grand prix de la Commission européenne à Ars Electronica -, alors qu’il n’en était encore qu’au stade de la conception. Cette œuvre numérique revient sur la genèse des échanges via messagerie instantanée, au travers de claviers excluant pour les arabophones. Pour pallier ce manque, ces derniers ont créé leur propre système, qui leur permet d’écrire des phrases arabes en utilisant des lettres latines, se basant notamment sur le chiffre pour représenter la phonétique qui n’existe que dans l’écriture arabe. C’est ce qu’on appelle le système « 3arabizi », ou « Francoarabe ». « Bien que cette œuvre soit encore au stade de la conception, le jury a été impressionné par son message unique selon lequel la technologie peut favoriser la diversité et l’ethnicité, expliquait alors le jury. Au lieu de promouvoir la norme mondiale, Hadeer Omar nous rappelle l’importance d’observer la manière dont les populations locales interagissent et de concevoir des services qui tiennent compte des différences dans chaque région, pays et culture. »