Que penser d’Artificial Dreams, l’expo qui interroge l’IA au cœur de la création artistique ?

Que penser d'Artificial Dreams, l'expo qui interroge l'IA au cœur de la création artistique ?
“AI & Me” ©Mots

Des humains qui virevoltent dans les airs, des plantes robotisées, des fonds marins en effervescence, des bestioles et des végétaux bizarroïdes… l’exposition-performance Artificial Dreams, au Grand Palais Immersif, dévoile des mondes oniriques qui, à l’image de l’intelligence artificielle, semblent en constante mutation. Fascinant !

En parallèle à Loading, l’art urbain à l’ère numérique, le Grand Palais Immersif propose jusqu’au 8 juin un nouveau programme nocturne : Artificial Dreams, l’IA au cœur de la création artistique. Exploitant les dispositifs actuels de l’institution, l’exposition a été imaginée comme une performance par le commissaire Charles Carcopino. « L’idée de départ était de dresser un panorama de la création artistique assistée par l’IA et les algorithmes, explique-t-il. Cette exposition a pour objectif de montrer une diversité et une richesse de projets innovants, et non de faire émerger une esthétique ou une tendance. Il m’a semblé intéressant de montrer à quel point l’IA s’immisce partout, dans tous les secteurs et dans tous les pays »

Déployé dans les divers espaces du Grand Palais Immersif, le parcours présente les travaux de douze artistes internationaux parmi les plus créatifs du moment, issus des États-Unis, du Canada, du Japon… et même de France. Selon Charles Carcopino, spécialiste en la matière, l’Hexagone est loin d’être à la traîne, preuve en est avec les œuvres, entre autres, de Grégory Chatonsky et Justine Emard. Le temps d’une soirée spéciale, prévue le 25 mai prochain, le premier est invité à présenter le sulfureux Surface libidinale, un film érotique entièrement généré par une IA pour l’IA et les machines – pour l’occasion, le Franco-Canadien a notamment imaginé une nouvelle zone érogène s’émancipant des espèces et des genres. Artiste plasticienne, la seconde expérimente de son côté le deep learning depuis quelques années, nouant un dialogue fécond avec la machine dans des œuvres et des installations qui oscillent en permanence entre les neurosciences, la vie organique et l’IA.

Hyperphantasia ©Justine Emard/Poush

Une vie organique artificielle

La vie organique, Justine Emard n’est visiblement pas la seule à s’y intéresser. Car, si Charles Carcopino s’est attaché à ne pas faire ressortir une thématique en particulier, force est de constater que les artistes numériques se penchent volontiers sur le même sujet, au point d’en fantasmer et d’en façonner une à leur image ! Ce n’est donc pas par hasard si Abiogenesis, l’œuvre de Markos Kay, a été choisie pour illustrer l’affiche de l’exposition : souffrant d’une maladie neuro-immunitaire chronique connue sous le nom d’EM/CFS, désormais alité, le réalisateur multidisciplinaire continue malgré tout d’explorer les mondes de la biologie moléculaire et de la physique des particules.

Abiogenesis ©Markos Kay

Pour Artificial Dreams, Markos Kay présente deux des plus belles et fascinantes vidéos de la sélection : Quantum Fluctuation, qui évoque un univers de coraux, et donc Abiogenesis, une fantaisie scientifique qui interroge et redéfinit l’origine de la vie avec un incroyable réalisme. Dans cette lignée, Sabrina Ratté, dont la patte est désormais reconnaissable entre mille, a imaginé Plane of Incidence : un écosystème singulier en mutation, dans lequel le végétal et les machines, une nouvelle fois, ne font plus qu’un.

Plane of Incidence ©Sabrina Ratté

Des univers en mutation

La mutation ou l’évolution font également partie des thèmes ou des procédés particulièrement mis en avant au sein de l’exposition. Cela est notamment visible dans la salle cathédrale où sont projetés huit films, ceux de Markos Kay, MSHR, Ryoichi Kurokawa, Andy Thomas, MMERSIVE ARTS SPACE/ZHdK, Daito Manabe, Sabrina Ratté et Tryphème & Ulysse Lefort : prônant des styles très différents, chacun donne à voir des mondes évolutifs, qui se régénèrent ou se métamorphosent. Parmi ces œuvres vidéo, celles d’Immersive Arts Space/ZHdK et de Ryoichi Kurokawa se distinguent. Dans Re-assembli, ce dernier oppose deux mondes, le végétal et l’urbain (urbex même), tout en créant des passerelles permettant de les unir. Des portails dans la matrice ? À l’évidence, oui.

reconFIGURE ©Immersive Arts Space/ZHdK/Grand Palais Immersif

Quant aux membres du collectif Immersive Arts Space/ZHdK, ils proposent au visiteur, via reconFIGURE, de jouer un rôle : celui d’un de leurs humains virevoltants dans un trou noir tels des bancs de poissons. Pour y participer, il faut alors se laisser capturer son « image » à l’entrée, puis laisser les algorithmes agir. Chaque artiste y a eu recours. Constitués il y a encore quelques années de fondus ou de morphings générés par l’IA, les travaux des différents artistes comportaient beaucoup, voire trop de similitudes. Aujourd’hui, l’exposition montre qu’ils sont de plus en plus nombreux à s’en affranchir, et qu’un autre avenir se présente à nous : celui d’un paysage artistique où l’IA offrira des possibilités créatives de moins en moins reconnaissables, et de plus en plus transparentes !

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