Que penser de « Loading », la nouvelle expo du Grand Palais Immersif dédié à l’art urbain ?

Que penser de « Loading », la nouvelle expo du Grand Palais Immersif dédié à l’art urbain ?
“Mickey”, 2015 ©Mick La Rock

Avec l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux, l’art urbain a connu sa première véritable révolution, entraînant un nouveau rapport des artistes à la ville. L’exposition immersive Loading – L’art urbain à l’ère numérique, établie jusqu’au 21 juillet, plonge le visiteur dans ces bouleversements fascinants et parfois vertigineux.

Centre d’art immersif désormais incontournable, le Grand Palais Immersif, à Paris, dévoile une nouvelle exposition sensationnelle, Loading – L’art urbain à l’ère numérique. À coup sûr, l’une de ses plus ambitieuses : en six sections, le parcours retrace l’histoire de l’art urbain sous le prisme du numérique, des premiers writings illégaux réalisés par des enfants pauvres à New York durant les années 1950 aux monumentaux murals bien encadrés et florissant actuellement dans les mégapoles de la planète.

Christian Omodeo, commissaire indépendant : « Notre volonté, dans un premier temps, était de montrer que l’art urbain est un phénomène qui se renouvelle sans cesse. Aujourd’hui, une nouvelle génération est en train de prendre le relais. Plus qu’un courant avant-gardiste de la fin du XXe siècle, le street art est un langage à part entière comme le rock ou d’autres formes d’art de la pop culture. Dans un second temps, nous souhaitions montrer comment l’arrivée des nouvelles technologies a poussé les street artistes à sortir de leur zone de confort et relever des défis de plus en plus difficiles, mais aussi comment elle a permis au public de s’approprier leurs travaux ». Marginal et disruptif dans les années 1980, l’art urbain a donc définitivement fait son entrée dans les musées, y compris sous une forme numérique, comme ici.

Mediterranean Sky – the Ship ©1UPCrew

Le numérique, nouvel outil créatif

Établie jusqu’au 21 juillet, l’exposition débute dans « La cathédrale », la monumentale salle du site dans laquelle est diffusée à 360° un documentaire de vingt-cinq minutes, constitué en grande partie d’images d’archives spectaculaires ! Devant, derrière, à droite, à gauche ou sur le sol, les images se complètent et dévoilent des axes de prises de vues différents, voire même des animations graphiques permettant au visiteur de s’immerger dans un flux d’images parfois vertigineuses, grâce notamment à l’arrivée du drone. « Certains outils, comme le drone en particulier, ont forcé les artistes à faire évoluer leur rapport à la ville, resitue Christian Omodeo. Les vues aériennes de trains, de façades d’immeubles ou de sols ont permis aux artistes de trouver de nouveaux terrains de jeu et de rendre visibles toutes leurs performances ». En d’autres termes : les technologies permettent aujourd’hui aux artistes de documenter leurs œuvres.

À partir d’images esthétiques et remarquablement produites, ce documentaire peu bavard montre très bien que le drone a révolutionné la pratique de l’art urbain aux quatre coins du globe, jusque dans les océans, et que l’image numérique joue désormais un rôle essentiel dans le processus créatif des artistes. Certains plans aériens et citadins, comme celui réalisé au Caire, sont d’une beauté inouïe, et participent à sublimer l’œuvre puis à la faire exister pleinement, là où sur le site, le rendu est bien souvent moins impressionnant, l’œuvre n’ayant paradoxalement pas été conçue pour ça.

Motgol 66 Pulsan, 2015 ©Jazoo Yang Dots

Révolution Internet

Le plus fascinant, c’est que les artistes ne comptent pas s’arrêter là, et commencent déjà à investir le monde virtuel, celui des jeux vidéo notamment. Christian Omodeo : « C’est par le biais des jeux vidéo, comme Street Fighter (1987), que le graffiti s’est infiltré dans l’univers du numérique. Désormais, vous pouvez télécharger des patchs d’artistes urbains et ainsi voir leurs œuvres dans des jeux, comme GTA. D’autres artistes s’immiscent aussi dans des réalités virtuelles, parfois de manière illégale ». Pour étayer ce propos, l’exposition dévoile dans la salle triangle un film numérique particulièrement évocateur.

Outre ces deux gigantesques projections, le parcours revient également sur la façon dont Alex Fakso a redéfini une nouvelle esthétique de la photographie de graffiti dans les années 1990 en créant des motifs récurrents devenus emblématiques, tel ce graffeur agenouillé sous un train, debout face à un wagon ou le visage emmitouflé dans une cagoule. S’ensuit un focus sur Cristobal Diaz qui a commencé, dès 2015, un travail d’archivage du graffiti français en filmant l’intégralité des réalisations – un processus original pour l’époque.

Mont Fuji Japon 2023 ©SAYPE

Intelligemment pensé, bien que dépourvu d’œuvres en VR ou en réalité augmentée, Loading privilégiant les projections immersives monumentales à 360 degrés, à l’image de celles utilisées lors de l’exposition dédiée à Alfons Mucha, le parcours ne fait évidemment pas l’impasse sur la révolution Internet qui a permis à cet art de se répandre au-delà des mégapoles occidentales. Quant à l’IA, Christian Omodeo préfère être honnête : « Nous ne l’avons pas intégrée dans l’exposition car cette technologie est trop récente. Nous avons pu observer quelques tentatives et des premiers résultats prometteurs, mais c’est trop tôt ».

Finalement, l’exposition montre que nous sommes arrivés à un point de non-retour. L’art urbain est désormais immortel, en tant que pratique et en tant qu’œuvre. Désormais, indissociable de l’art numérique, comme le rappelait dernièrement un projet monté par la piscine Molitor, il tend à être figé pour toujours, de la meilleure façon qu’il soit. Inspiré, Christian Omodeo conclut : « Le digital (via Internet, les jeux vidéo, les photos ou les vidéos numériques, ndlr) nous permettra de retracer l’histoire de l’art urbain, en reconstituant des pans de mur qui ont disparu, et montrer les œuvres dans leur jus ». C’est évidemment prometteur, mais là, c’est une autre histoire…

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