Le 28 avril 2025, le Palais de Tokyo dévoilait les vainqueurs du Prix Art Éco-Conception d’Art of Change 21, récompensant des artistes engagés dans une démarche écoresponsable. Parmi eux, une certaine Gohar Martirosyan s’est distinguée.
Née à Gyumri, en Arménie, en 1991, et élevée entre la Pologne et la Biélorussie, Gohar Martirosyan porte en elle une constellation de récits fragmentés qu’elle tente de réunir à travers l’image et le son. Passée par l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie, ainsi que par celle de Yerevan, elle approfondit ensuite sa pratique au Fresnoy – Studio national des arts contemporains, où elle s’essaie de 2020 à 2022 à une forme d’art total, dans des œuvres où cohabitent vidéo, installation, performance, rituel et écritures sonores.
Une versatilité qui a séduit le jury du Prix Art Éco-Conception 2025, mais pas que. En rejoignant les douze artistes honorés pour leurs pratiques durables et leur manière de faire du geste artistique un acte éthique, Gohar Martirosyan l’affirme : aussi plurielle soit-elle, sa pratique est définitivement engagée. Hors de question, en somme, de se contenter d’adopter des matériaux recyclés ; pour elle, penser l’art de façon écologique signifie également écouter les couches invisibles du monde, ses fantômes, ses tensions, ses fractures. « Ce n’est pas seulement la forme qui importe, c’est ce qui l’habite. Une œuvre qui respire encore des siècles après sa création, c’est une œuvre qui a su se faire porosité », résume-t-elle.
Un destin animiste
Pour Gohar Martirosyan, l’écologie est moins une revendication qu’une ontologie. C’est une manière d’être au monde, à l’écoute de minuscules traces et d’échos lointains. Le sol, l’humus, les vestiges, les corps qui ont disparu ou migré deviennent alors les éléments premiers de sa fabrique artistique, qui est purement collaborative : chercheurs, géologues ou musiciens traditionnels l’accompagnent dans cette démarche transversale, presque animiste, au cœur de lieux chargés d’histoire (la montagne Aragats en Arménie, ou l’île d’Ouessant en France, par exemple).
Prendre le temps d’observer
Mais son esthétique, pourtant profondément enracinée, n’est jamais folklorique. Il ne s’agit pas pour elle de célébrer une identité figée ou de rejouer une nostalgie post-soviétique, non. Son art explore le temps lent, les énergies résiduelles, les chants oubliés. Et demande au spectateur de ralentir, de se perdre. De prendre le temps. Le Prix Art Éco-Conception vient consacrer cette démarche. Celle où la forme plastique est indissociable de l’engagement éthique, où la création n’est jamais un geste neutre mais un acte de relation, une manière de prendre soin du monde.