24 artistes numériques à suivre en 2024 (1/2)

24 artistes numériques à suivre en 2024 (1/2)
©Lucas Aguirre

Au sein d’un monde de l’art parfois figé dans ses certitudes, avec ses embûches, ses calculs et ses stratégies, le trajet d’un jeune artiste peut ressembler à un parcours du combattant. En souterrain ou non, au sein des grandes institutions muséales ou pas encore, ils et elles œuvrent pourtant pour l’édification et la visibilité d’un art nouveau, assez théorique pour s’inscrire dans l’histoire de l’art mais avant tout porté par des moyens de production et de création hérités du numérique et des nouvelles technologies. Pour 2024, Fisheye Immersive en a sélectionné 24 qui, selon toute vraisemblance, devraient marquer les prochains mois de leurs idées neuves. Première partie !

Viejos Problemas Nuevas Soluciones, 2021 ©Lucas Aguirre

Lucas Aguirre

Formé aux arts visuels à l’Université nationale de Córdoba, Lucas Aguirre est un artiste contemporain basé en Argentine, mais il pourrait tout aussi bien être originaire d’Europe et avoir exercé la peinture au 17ème siècle. En cause ? Ses œuvres, qui relèvent d’un véritable artisanat et donnent parfois l’impression de ressembler à ce qu’aurait pu créer Le Caravage s’il avait eu accès à un ordinateur. Logique, dès lors, de l’entendre citer en référence L’Incrédulité de Saint Thomas ou La Vocation de Saint Matthieu plutôt que Pierre Huyghe ou n’importe quelle œuvre inscrite au panthéon de la pop culture.

C’est que l’Argentin ne se contente pas de tout créer depuis son iPad ou son scanner 3D : il fait appel à des modèles, songe à des chorégraphies, sollicite un de ses amis styliste pour penser chaque vêtement avant de faire transiter tous ces éléments, profondément réels, vers le monde virtuel à l’aide de la photogrammétrie. En bout de course, Lucas Aguirre dit également utiliser Photoshop, comme pour brouiller encore davantage la frontière entre la 2D et la 3D. L’objectif ? Troubler notre regard./MD

Window Display ©Eva L’Hoest

Eva L’Hoest

Née en 1991 à Liège, diplômée de l’Académie royale des Beaux-Arts de la ville, installée aujourd’hui à Bruxelles : à 32 ans, Eva L’Hoest suit pour le moment un parcours classique d’une artiste en plein développement, à qui tout semble sourire. Il n’y a heureusement rien de prévisible dans ses œuvres, qui prennent la forme de films d’installations hybrides, curieux, novateurs, tant ils s’étendent sur différents supports (sculpture, VR, impression 3D, gravures sur verre). Preuve en est donnée avec What Hath God Wrought?, l’une de ses dernières œuvres, où se mêlent vidéo et sculpture dans l’idée de questionner l’impact de la communication instantanée sur nos corps, nos cultures et notre notion de l’espace-temps. Ce qui, en un sens, résume parfaitement son approche, consistant à examiner le cerveau humain, notre besoin de se souvenir, à travers la technologie./MD

©YuYU

YuYu

Originaire de Taïwan, YuLiang Liu s’installe à Berlin en 2015 et devient « YuYu », un artiste numérique aux influences multiples. Personnelles, déjà, ses inspirations étant celles d’un jeune créateur étranger et queer dans une société occidentale qu’il apprend à apprivoiser. Pour ce faire, YuYu utilise le collage numérique afin de réaliser des œuvres d’art ultra-référencées au sein desquelles il se met en scène et explore son identité. En détournant les canons de l’histoire de l’art qui excluent celles et ceux qui lui ressemble, YuYu reprend ainsi possession d’une histoire commune, remettant au passage en question les définitions conventionnelles de beauté, de moeurs, et même de l’art, souvent élitiste et – soyons honnêtes – dénué d’humour. 

« Je veux exagérer l’idée du « génie torturé » et explorer l’évolution des relations, ainsi que l’impact qu’elle génère à la fois dans le monde de l’art et dans la société en général », explique le jeune artiste, qui a réalisé sa première exposition monographique en mai dernier à la galerie parisienne IHAM. Son goût pour la mise en scène atteint son apogé lors de ses désormais célèbres « YUYUPALOOZA » lors desquels il cède ses autoportraits, loin de la gravité des transactions en galeries, n’hésitant pas à faire références aux ball queer pour annoncer ses ventes. /ZT

Family Portraits ©Maria Mavropoulou

Maria Mavropoulou

Passée par les Beaux-Arts d’Athènes, où elle s’est formée à la peinture, à la sculpture et à la photographie, Maria Mavropoulou s’est depuis intéressée aux technologies numériques (IA, VR), à ces outils qui nous servent finalement de médiateurs dans notre relation avec les mondes virtuels. Il faut dire que la Grecque est née en 1989 : les outils numériques, elle a appris à s’y familiariser très jeune, particulièrement intéressée par la manière dont ils encouragent la construction de notre identité, par la façon dont notre esprit transcende les limites du corps humain lorsqu’il évolue derrière un écran.

En témoigne In Their Own Image, un ensemble de travaux basés sur l’IA et chargés de questionner la relation homme-machine au sein des sphères créative, ou A self portrait of an Algorithm, où elle propose une réflexion sur l’identité numérique à l’ère des réseaux sociaux et de la mise en scène outrancière de soi./MD

Postgender | Vellum LA ©Martina Menegon

Martina Menegon

Née en 1988 en Italie, Martina Menegon est une artiste numérique vivant et travaillant à Vienne. Passionnée d’immersif et de réalité augmentée, elle revisite la forme de l’autoportrait dans des compositions troublantes questionnant le corps, physique mais aussi virtuel. Diplômée en arts visuels et du spectacle à l’Université IUAV de Venise, ainsi qu’en arts transmédias à l’Université des arts appliqués de Vienne, Martina Menegon enseigne depuis 2010 les outils multimédias pour les arts interactifs avec Klaus Obermaier à l’Université IUAV, artiste avec lequel elle collabore régulièrement en tant que programmeuse. 

2010 semble d’ailleurs être l’année de la collaboration pour Martina Menegon qui fait, à cette époque, la rencontre de l’artiste transmédia et musicien électronique Stefano D’Alessio avec lequel elle crée, depuis, des installations et des performances interactives. En 2023, on l’a notamment vu exposer lors de la NFT Biennial, à Los Angeles : pour l’occasion, elle avait notamment déployé une installation explorant la notion du « postgenrisme ». /ZT

Artificial Landscape’s Flows ©Milkorva

Milkorva

Dire que Nicolas Michel (aka Milkorva) s’inscrit dans les pas de Philippe Parreno est un euphémisme. Parce que le Français, titulaire d’un master en art contemporain à la Sorbonne, a eu l’opportunité d’assister le plasticien pendant six ans. Et parce que ses œuvres orchestrent elles aussi un dialogue fécond entre l’abstrait et le figuratif, suggérant « mille images tombant de mille murs », pour reprendre le titre d’une exposition de Parreno datée de 2000.

La force de Milkorva, c’est toutefois de parvenir à s’extraire de cet héritage, qui pourrait être encombrant, et ainsi travailler plus ouvertement avec des technologies immersives et génératives. Suffisant pour voir en lui autre chose qu’un talentueux discipline ? Tout à fait ! /MD

Harriet Davey

Harriet Davey est une artiste numérique qui aime décrire ses œuvres comme du « vomi visuel », dans le sens où elles ingurgitent de nombreuses références et les recrache dans un résultat final empreint des diverses inspirations de leur auteure, de ses rêves aux filtres instagram, en passant par l’animations 3D et toute l’imagerie du cyborg. Exemples parfaits de cette esthétique futuriste propre au début des années 2000, ses œuvres piochent aussi dans la fantasy et le monde du jeu vidéo. Surtout, ses travaux ont pour elle la capacité de « recontextualiser les vérités du physique et de découvrir des valeurs que nous aurions pu négliger ou oubliées ».

Pour créer ses personnages fantasmagoriques, Harriet Davey commence avec Daz Studio à partir d’un modèle de base profondément humain, une sorte de « Sims sous stéroïdes » plaisante-t-elle, qu’elle transpose ensuite dans Blender et Photoshop afin de travailler l’environnement. Comme quoi, même avec des logiciels accessibles, on peut créer des mondes tout à fait incroyables ! /ZT

Defense Mechanism : Even in a perfect garden ©Stella Jacob

Stella Jacob

Artiste multimédia basée à Paris, Stella Jacob a eu plusieurs vies avant celle-ci. Après avoir obtenu un bac scientifique, elle s’intéresse à l’histoire de l’art et à l’audiovisuel, rejoignant après ses études Diversion cinema, une agence événementielle spécialisée dans la diffusion et la distribution de réalité virtuelle, assistant ainsi à l’émergence de la VR auprès du grand public. Cinq ans après, c’est avec l’envie de créer à son tour qu’elle reprend ses études, avec le master spécialisé designer d’expérience interactive et ludique aux Gobelins, dont elle sort diplômée en 2021. 

Aujourd’hui, Stella Jacob est à la fois artiste et « game designer VR », prouvant aux derniers sceptiques, s’il en reste, qu’entre le jeu vidéo et l’art, la frontière est mince. De toute façon, de la création de mondes virtuels au street-art, en passant par la recherche et l’animation de conférences, Stella Jacob ne semble pas être très sensible aux frontières. Quand on lui demande quel conseil elle donnerait à de jeunes artistes, sa réponse est d’ailleurs sans appel : « Il faut se permettre d’oser et ne pas avoir l’impression de manquer de compétences en sortant de l’école alors qu’on est déjà capables de faire plein de choses ! » /ZT

Eromorphosis: Les âmes en fleurs, Film 3D, 25 min ©Valentin Ranger

Valentin Ranger

À l’image d’une génération qui refuse de se figer dans une définition propre, Valentin Ranger, 31 ans, s’approprie des outils numériques dans l’idée de développer un propos de plasticien, plus proche de l’art contemporain que de l’art digital. Chez lui, le virtuel ne répond ainsi en rien à un fantasme technologique ; c’est un espace, incertain et indéterminé, qui contribue autant à la construction de son identité que de son propos esthétique. Dans le cadre de son premier solo show, Infected/Disfigured, actuellement en cours à la galerie Spaggia Libera, à Paris, on le surprend ainsi à tout mêler (le film 3D et la gravure, les peintures à l’huile et l’impression digitale) afin de faire exister un monde éphémère, peuplé de personnages 3D dégenrés, des acteurs-avatars hybrides voyageant silencieusement entre la vie et la mort./MD

Looking For Paraside ©Stephan Breuer/Musée du Louvre

Stephan Breuer

Entre passé et futur, Stephan Breuer refuse de choisir. Explorant les points de rencontre entre art, histoire et technologie, l’artiste français est aussi à l’aise avec les canons du quattrocento que l’intelligence artificielle. « Ce qui m’importe avant tout c’est l’aspect poétique des technologies » m, explique-t-il. Et malgré la diversité de ses travaux, la poésie, elle, ne disparaît jamais, qu’il soit invité à réinterpréter les antiques pyramides de Gizeh lors du festival Forever is Now ou L’archange Raphaël quittant la famille de Tobie de Rembrandt, devenant au passage le premier artiste à faire entrer une œuvre authentifiée par une puce NFC au Musée du Louvre. 

Ce travail, qualifié d’atemporel, fait non seulement entrer la notion de Sublime à l’ère du numérique, mais a déjà séduit de nombreuses institutions : le Palais Impérial de Compiègne et le Musée National Romain, certes, mais également le Jardin du Palais Royal. /ZT

©Gabriel Massan

Gabriel Massan

Né à Rio de Janeiro en 1996, Gabriel Massan est un artiste numérique pluridisciplinaire basé à Berlin qui, malgré son jeune âge, est déjà sur les lèvres du milieu de l’art. Et pour cause, à seulement 27 ans, Gabriel Massan peut se targuer d’avoir un CV qui en rendrait jaloux plus d’un ! Il a notamment participé à la Circa ‘Class of 2021′ (Royaume-Uni), a été artiste invité du Pavillon en ligne de la Biennale de Bangkok (2022), a été sélectionné en tant que « digital Commission artist » au The Photographers’ Gallery Open Space X Museum’s X Virtual (2022), s’est impliqué dans le programme « Arts Technologies 2022-23 » de la Serpentine Gallery, à Londres, et a même été invité par Madonna en personne pour réinterpréter le morceau Bedtime Story en une installation vidéo ! 

Navigant entre la sculpture numérique et l’art vidéo, Gabriel Massan est sans doute l’un des meilleurs représentants de cette nouvelle génération, touche-à-tout et optimiste. « Tout est possible. C’est ce qui me fascine dans l’art numérique »,  se plaît d’ailleurs à dire l’artiste, sourire aux lèvres. On le croit volontiers ! /ZT

Le plus ordinaire, le plus illusoire ©Jisoo Yoo

Jisoo Yoo

Célébrée en octobre dernier par l’ADAGP, qui en a fait sa « Révélation Art numérique – Art vidéo 2023 », Jisoo Yoo avait déjà attiré nos regards quelques semaines plus tôt, séduits par ses installations audiovisuelles et performatives. À commencer par Le plus ordinaire, le plus illusoire, présentée lors de Panorama 25, exécutée en temps réel et rendue possible grâce à la motion capture. Innovante et ludique sur la forme, l’œuvre déploie une véritable réflexion sur le déplacement de l’identité à l’ère du digital, se jouant de cette frontière entre le monde réel et virtuel pour mettre en scène nos gestes les plus quotidiens et faire résonner la solitude de ces corps égarés dans l’espace numérique. /MD

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