S’il y a bel et bien des expositions qui marquent l’histoire de l’art, Cybernetic Serendipity, organisée en 1968, est de celles-ci. Plus d’un demi-siècle après les faits, retour sur ce qui était à l’époque considéré comme le premier grand évènement consacré à l’art cybernétique et électronique.
Organisée par la critique Jasia Reichardt et présentée à l’Institut de Contemporary Arts de Londres du 2 août au 20 octobre 1968, Cybernetic Serendipity signe un véritable tournant dans l’art contemporain. En effet, là où la peinture abstraite et le pop art priment alors dans les galeries, voir tant d’artistes réfléchir aux liens entre art et technologie n’est, sur le papier, pas très attractif.
Et pourtant : en comptant sur des noms déjà bien installés comme Jean Tinguely, John Cage ou Nam June Paik, l’exposition menée par Jasia Reichardt ne tarde pas à attirer l’attention des spécialistes et du public, tout excités à l’idée de se tenir aux premières loges de cette révolution artistique qui s’annonce.
Aux prémices de l’art numérique
« Où, à Londres, pourriez-vous emmener un hippie, un programmeur informatique, un écolier de dix ans, et garantir que chacun serait parfaitement heureux pendant une heure sans que vous ayez à lever le petit doigt pour les divertir ? » Cette question, purement rhétorique, le Evening Standard la posait en août 1968, au lendemain du vernissage de Cybernetic Serendipity. C’est que, loin de se contenter de n’être qu’une suite de travaux sans contexte, l’exposition londonienne s’intéresse aussi bien aux possibilités qu’aux réalisations, à la recherche qu’à la mise en œuvre.
Au total, ce sont 130 artistes, mathématiciens, ingénieurs ou poètes qui explorent cette notion de cybernétique, invoquant pour la première fois – en tout cas de façon aussi frontale – l’utilisation de la machine dans la création artistique. On y retrouve alors des œuvres devenues emblématiques, telles que les Méta-Matic de Tinguely ou le Robot K-456 de Paik, qui rompent définitivement avec la monotonie de ces œuvres en deux dimensions qui cartonnent alors sur le marché de l’art. Une prise de risque couronnée de succès puisque l’exposition rassemblera près de 60 000 visiteurs avant de s’exporter à la Corcoran Annex de Washington puis à l’Exploratorium de San Francisco. Avant de devenir, elle-même, une référence toujours citée aujourd’hui.