Depuis Paris, Constance Valero est l’avenir de la scène immersive française

Depuis Paris, Constance Valero est l’avenir de la scène immersive française
Portrait de Constance Valero

Le Portrait à l’aube du Web3 actuellement, Marais DigitART à la rentrée : Constance Valero est de ces noms qui, à l’instar de Salomé Chatriot ou Inès Alpha, ne quittent jamais réellement l’actualité des arts numériques. Révélée en 2021 lors de la première édition du Palais Augmenté, l’ex-étudiante des Gobelins s’emploie désormais à créer des mondes immersifs où les illusions d’optique, les connexions avec la nature et les effets de profondeur ne doivent pas faire oublier l’essentiel : le travail de la néo-Parisienne est avant tout à son image, intense et débordant d’énergie.

Flowertrip ©Constance Valero
Sculptures 01 ©Constance Valero
De nectar et d’ambroisie ©Constance Valero
Sculptures 02 ©Constance Valero
Portrait de Constance Valero

On dit de Constance Valero, 25 ans, qu’elle est l’un des futurs grands noms de la scène immersive française. On dit aussi que ses œuvres, qui ont déjà séduit les institutions (le Grand Palais Immersif, la FIAC, etc.) et les marques (Guerlain, Fondation EDF), orchestrent la rencontre longtemps fantasmée (et pas uniquement par la science-fiction !) de la technologie et de la nature. Pour prendre la pleine mesure de Constance Valero, comprendre l’importance de ce que la néo-Parisienne crée depuis quelques années, le mieux est encore de s’abandonner dans son Flowertrip, une expérience immersive où les jardins sont vus comme des safe spaces, des lieux où l’on communique avec nos rêves, où l’on se reconnecte à des souvenirs et des odeurs liés à l’enfance : on comprend alors que les machines ne font pas tout, que l’extrême puissance des outils utilisés ne serait rien si ces derniers n’étaient pas traités, manipulés, pensés par une artiste soucieuse de provoquer l’émotion.

Il serait toutefois injuste de limiter Constance Valero à son amour pour la nature, perceptible jusque dans l’aspect organique de ses travaux. Oui, elle a grandi à trente minutes d’Avignon, dans une maison encadrée d’un jardin de trois hectares entretenus par son père. Oui, elle a évolué au sein d’un environnement familial davantage tourné vers l’extérieur que vers les écrans, dont elle était plus ou moins privée. Oui, elle dit veiller à avoir le moins d’impact écologique possible à chacune de ses interventions. Oui, elle confesse être attirée par « l’aspect végétale, ce rapport au vivant, ces réseaux et ces motifs qui semblent se tisser dans la nature entre différentes espèces. » Aussi évidente et assumée soit-elle, l’influence de la nature ne saurait toutefois définir pleinement la richesse du propos de Constance Valero, tout autant redevable à son goût pour la narration et les mathématiques.

Un vocabulaire géométrique

Cet attrait pour le storytelling, Constance Valero pense le devoir à ses années en danse-études, passées au sein du conservatoire d’Avignon, où elle a appris à se mettre en scène, à créer un récit, à développer des techniques censées favoriser l’immersion des spectateurs. Quant à cette approche presque scientifique de l’art, elle l’a dit redevable à un esprit logique, qui aime dénouer les problèmes et résoudre des équations. « J’aime l’idée de me confronter à un process, de devoir le comprendre, précise-t-elle. La 3D, par exemple, c’est assez ingrat et laborieux. Les logiciels évoluent en permanence, ce qui nécessite une veille constante, quitte à poser régulièrement des questions sur des forums. Reste que cette impossibilité d’être exhaustif sur le sujet permet d’acquérir à chaque projet de nouvelles connaissances, de se former en continu, de créer à partir d’outils que l’on ne maîtrisait pas encore deux mois avant. »

ConstanceValero
« Ça ne m’intéresse pas de m’immerger dans un monde totalement différent. Je trouve ça plus beau de rester dans notre monde et d’y intégrer des éléments qui n’y existent pas encore. »

Si Constance Valero se dit galvaniser par un tel processus, c’est aussi parce que la 3D lui permet de créer des univers avec peu de moyens. On lui rétorque que peindre une toile ne représente pas un coût énorme non plus, elle répond : « C’est évidemment vrai sur le plan budgétaire, mais la peinture a quelque chose de plus intimidant. Se lancer dans un tel courant artistique, c’est comme s’inscrire dans une tradition extrêmement longue et légèrement paralysante. Surtout, cela demande un chemin intellectuel et une maturité artistique que je n’ai pas encore. Ou du moins, que j’arrive uniquement à exploiter dans le monde numérique. »

Tourbillon d’émotions

Au contact de ses œuvres, il convient ainsi d’admirer un style singulier, rapidement identifiable, en constante perfection depuis quatre ans (« Je sais que mon style pourrait donner lieu à quelques critiques de la part des pros de la 3D »), mais perpétuellement ouvert à de nouvelles techniques : inspirée par Vasalery, « pour ce côté géométrique, ce jeu sur les illusions ou les effets de profondeur », et Grégory Chatonsky,  « pour la précision de ses travaux générés avec les nouvelles technologies », Constance Valero tend à amener sa pratique vers quelque de plus plastique. D’où ces sculptures nées de recherches autour du bouquet virtuel, en quête de motifs inédits uniquement possibles grâces aux technologies 3D, voire même ces poupées en porcelaine, censés questionner l’identité et la notion d’avatar au sein du Web3.

D’où, également, ce rêve de pouvoir un jour exposer ses travaux sur d’autres supports que sur des écrans ou des téléphones. D’où, enfin, cette volonté de s’éloigner de la VR, « que l’on vit nécessairement en étant enfermé dans un casque », pour privilégier la réalité augmentée, son médium préféré. « Tout simplement parce que ça ne m’intéresse pas de m’immerger dans un monde totalement différent. Je trouve ça plus beau de rester dans notre monde et d’y intégrer des éléments qui n’y existent pas encore. »

C’est là tout le charme d’une artiste qui, de nature curieuse, n’en finit pas de tenter. Les jeux vidéo ? « Ce n’est pas ma culture, je ne sais même pas tenir une manette de manière optimale, mais c’était la seule formation des Gobelins où il y avait de la narration et du dessin ». Les technologies immersives ? « J’y suis venue dès que j’ai commencé à apprendre la 3D ». L’intelligence artificielle ? « J’ai eu deux mois de frayeurs quand Midjourney s’est démocratisé l’année dernière, mais j’ai fini par tester le logiciel et je me surprends aujourd’hui à l’utiliser au même titre que Pinterest ou Instagram, pour faire de la veille. » On comprend alors que Constance Valero a conservé un rapport presque enfantin à l’art, qu’elle prend plaisir à questionner son approche à chaque nouvelle création, et qu’elle fera éternellement partie de ces artistes qui privilégient l’urgence et la fougue juvénile à ces grandes réflexions qui tiennent l’émotion à bonne distance.

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