L’oeil dans le rétro : « Tunnel sous l’Atlantique » de Maurice Benayoun

L'oeil dans le rétro : "Tunnel sous l’Atlantique" de Maurice Benayoun
“Looking through The Tunnel Under the Atlantic from Paris to Montreal”, 1995 ©Maurice Benayoun

Vous souvenez-vous de ce portail reliant New York à Dublin qui a semé le chaos il y a un mois ? Et bien sachez que presque 30 ans auparavant, l’artiste Maurice Benayoun avait déjà imaginé un dispositif un peu similaire, connectant Paris et Montréal. Flashback.

Le Tunnel sous l’Atlantique est une œuvre expérimentale de télévirtualité permettant à des utilisateurs situés de chaque côté de l’océan Atlantique d’interagir et de se rencontrer. Cela paraît fou, même aujourd’hui. C’est pourtant là l’expérience inédite qu’a mené l’artiste français Maurice Benayoun en 1995. Cependant, pas besoin de pioche pour relier le Centre Pompidou parisien au musée d’art contemporain de Montréal : un ordinateur suffisait. Ou plutôt dix, tous nécessaires pour creuser ce tunnel auquel il n’a fallu que cinq jours pour être complété et atteindre un point de convergence virtuel.

Alors inédite, cette expérience a été rendue possible grâce à un programme « superviseur », la GADEVU, qui avait pour tâche de gérer les comportements plus ou moins chaotiques des utilisateurs au fur et à mesure de leur recherche et de leurs intérêts. 

Un premier exemple d’institutionnalisation

Si ce tunnel constitue, historiquement, la première commande d’art numérique en France, son existence est surtout mémorable de par ce qu’il propose : permettre à deux utilisateurs situés à plus de 5 000 kilomètres chacun d’avancer l’un vers l’autre au son d’une mélodie adaptée à chaque participant. Une épopée dans des strates iconographiques à laquelle assistent des spectateurs médusés, postés devant un écran géant installé dans chacune des institutions.

Pour ce projet ambitieux, Maurice Benayoun a bénéficié d’une commande publique du Centre National des Arts Plastiques (CNAP), inscrivant un peu plus l’art numérique et immersif dans le patrimoine français. On peut évidemment regretter que cette expérience ne soit plus possible aujourd’hui, ce qui pose au passage la question de l’obsolescence programmée. On peut aussi se réjouir d’apprendre l’existence d’une vidéo documentaire automatique. Laquelle, nourrie de 20 heures d’enregistrement prises de l’intérieur de l’espace virtuel et de 500 images dans lesquelles se sont glissées les visuels d’œuvres d’art et les captures d’instantanés (« Tunnel shots »), permet à Tunnel sous l’Atlantique de traverser l’histoire, d’accéder à une certaine forme d’immortalité. Et, en un sens, de continuer à repousses les frontières, temporelles cette fois.

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