Il y a 35 ans, deux scientifiques américains, Scott Stornetta et Stuart Haber, se réunissent et réfléchissent à la mise en application d’un système où des documents ne pourraient plus être falsifiés ou antidatés. Les prémices de la blockchain ? Tout à fait !
Nous sommes en 1989. Deux jeunes scientifiques de chez Bellcore (Bell Communications Research) créent un concept d’empreinte numérique basé sur les fonctions de hachage cryptographique, soit une seule entité garantissant l’intégrité des enregistrements dans un domaine spécifique. Quèsaco ? Du charabia ? Disons plutôt que, bien avant 2008 et l’invention du bitcoin par Satoshi Nakamoto, la blockchain, elle, existait déjà.
Un gros coup médiatique
Si le hachage et l’utilisation d’empreintes digitales étaient à l’époque des concepts bien compris dans les milieux de l’ingénierie, Scott Stornetta et Stuart Haber tentent eux d’aller encore plus loin en trouvant un moyen de relier les différentes empreintes sur une chaîne de blocs. C’est là, précisément, que se trouve l’innovation ! À l’aide du mathématicien Dave Bayer, les deux compères réussissent alors, en 1991, à réunir des groupes de documents de telle manière que chaque personne ayant un document inscrit sur cette chaîne devienne détenteur d’une preuve de la provenance du document, agissant comme une sorte de nœud central.
Plus tard, en 1995, les deux chercheurs vont encore plus loin en inscrivant chaque semaine l’empreinte numérique de leurs données dans les petites annonces du New York Times. L’objectif ? Garantir l’immuabilité du registre de Surety, leur société de certification. « En publiant ce message hebdomadaire dans un quotidien à grand tirage, Haber et Stornetta rendaient impossible pour quiconque – y compris Surety elle-même – d’antidater ou d’altérer les dépôts, écrit en 2018 le journaliste Daniel Oberhaus, dans un article pour Vice. Il aurait pour cela fallu récupérer tous les exemplaires du Times en circulation (un presque 600 000 chaque jour) et les remplacer par une version falsifiée. »
En quête de certification
Avec quelques années d’avance, Scott Stornetta et Stuart Haber anticipent donc une invention que l’on attribue traditionnellement à Satoshi Nakamoto « Nous n’enlevons rien à Satoshi et à sa création, mais nous considérons Bitcoin comme une application construite sur la première blockchain », précisent les deux collègues lors d’un entretien accordé au média Right Click Save.
Si les travaux de Scott Stornetta et Stuart Haber se complètent avec ceux de Satoshi Nakamoto, l’intention n’est effectivement pas la même : « Scott et moi n’essayions pas d’inventer la monnaie électronique. En fait, des travaux étaient déjà en cours dans la communauté cryptographique pour créer de la monnaie purement numérique, remontant aux années 1980. Notre objectif était plus large : nous étions véritablement préoccupés par l’intégrité de tous les documents, y compris les documents électroniques » explique Stuart Haber. C’est désormais acté : la blockchain a été initialement pensée pour les NFTs, et non pour la cryptomonnaie !