Utilisant le pixel comme principale source de création, ce courant artistique est souvent associé aux jeux vidéos en raison de son esthétique particulière. Son éventail est pourtant bien plus large que ça…
Si des artistes se servent du pixel depuis l’essor de l’art numérique dans les années 1970, la terminologie « pixel art », elle, apparaît dans les années 1980-1990 avec l’avènement du jeu vidéo indépendant. À l’époque, les petits développeurs ne pouvaient pas rivaliser avec les grandes entreprises en termes de production de graphisme 3D, et ont donc commencé à expérimenter avec des styles graphiques plus minimalistes, en s’inspirant notamment de la forme carrée du pixel. Space Invaders ou encore Pac-Man en sont d’ailleurs probablement les représentants les plus illustres.
D’abord pratique, puis esthétique, ce parti pris s’est de fil en aiguille étendu à toute la sphère artistique jusqu’à devenir un véritable mouvement, dont les fondements stylistiques impactent autant la sphère crypto que l’art branché sur le courant génératif.
Des pixels partout
Revenu en force au début des années 2000 pour son côté rétro, le pixel art rompt avec la quête d’une image toujours plus lisse, le nombre de pixels impliqués dans la conception d’un visuel ne cessant d’augmenter, à tel point que nos yeux ne semblent désormais plus capables de discerner les pixels individuels formant ce tout.
Ce retour de hype, incarné également par l’effervescence annuelle autour de la Pixel War, on pourrait aussi l’associer à un autre phénomène, la « technostalgie », décrite en ces termes par l’artiste Dev Harlan dans un article de Right Click Save : « C’est l’affection chaleureuse envers les ordinateurs personnels des années 1980 que l’on aurait pu rencontrer dans son enfance, ou bien un fétichisme inexplicable pour une technologie antérieure à sa propre existence mais qui représente une certaine idée du futur – généralement le futur optimiste que l’on souhaite habiter, pas le présent compliqué et chaotique. […] La technostalgie privilégie une histoire imaginée de la technologie et une vision anesthésiée de cette histoire. Mais le sentimentalisme est l’opposé de la critique. »
Entre modernité et tradition
Certes, le pixel art est lié à la technologie, mais il suffit d’observer le travail d’artistes tels que Fay Carsons, Elsif, Kamau Kamau ou encore Sarah Ridgley pour comprendre qu’il s’écarte fortement de son évolution. D’un point de vue critique, on pourrait même dire qu’il se rapproche volontiers d’autres pratiques artistiques, parfois nettement plus anciennes.
En effet, l’accumulation de formes morcelées pour créer un motif peut faire penser aux mosaïques romaines, développées dès le VIIIème siècle avant JC, ou encore au pointillisme, style pictural initié en 1886 par Georges Seurat et Paul Signac. De plus, si le pixel art provient à l’origine des ordinateurs, il n’hésite pas à sortir de l’écran pour être placardé sur les murs de la ville par des street-artistes Invader ou In the Woup. Des petits carrés, donc, certes, mais sur lesquels il semble impossible de faire une croix.