On y était : Festival OVNi

06 décembre 2023   •  
Écrit par Benoit Gaboriaud
On y était : Festival OVNi
“Le soleil ni la mort” ©Stéphanie Solinas

Du flux vidéo à l’IA, en passant par l’animation, le cinéma, la VR ou le numérique, le festival niçois OVNi dévoile chaque année un panorama fascinant de la scène internationale d’un art de plus en plus pratiqué. Qu’en est-il de l’édition 2023 ? Récit.

L’étrange et fascinant festival OVNi a vu le jour en 2015, dans les chambres de l’Hôtel Windsor de Nice, grâce à une passionnée : Odile Redolfi, toujours directrice du festival et de l’établissement. Aujourd’hui, cette manifestation culturelle investit toute la cité des Anges et sa région, dont cinq hôtels de haut standing, la Grande Halle du 109, la Grotte du Lazaret, le musée National Fernand Léger à Biot, la Villa Ephrussi de Rothschild à Saint-Jean-Cap-Ferrat… Au total, ce sont donc entre 20 et 35 lieux qui sont investis selon les années, accueillant entre 120 et 140 artistes. Beaucoup sont accessibles au public dans une ambiance conviviale, parfaitement en phase avec les souhaits de l’équipe organisatrice, dont Nathalie Amae, directrice artistique, se fait la porte-parole. Rencontrée en marge des expositions, elle rappelle qu’« un des objectifs du festival est de faire se rencontrer les artistes, les curateurs… tous les acteurs du monde de l’art vidéo et le public ».

Notons au passage que cette 9ème édition, déroulée du 17 novembre au 3 décembre, avait pour marraine Laure Adler, et pour invitée d’honneur Manuela Marques : deux noms suffisamment clinquants pour mettre en valeur les artistes émergents. 

In-Urbe ©Ugo Arsac

L’art vidéo sur orbite

OVNi est une fête, et encore plus en 2023, année durant laquelle nous célébrons les 60 ans de la naissance de l’art vidéo. En filigrane, c’est aussi une compétition : « Le second objectif du festival est de promouvoir et de valoriser les artistes émergents de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais aussi les artistes internationaux », précise Nathalie Amae. En ce sens et au-delà des coups de cœur, deux prix ont été créés : le Prix Sud Emergence et le Prix Cosmopolis. À la différence de la plupart des compétitions de ce type, tous les festivaliers, du simple touriste au professionnel, ont ici la possibilité de découvrir l’ensemble des œuvres concourant sous une forme toute particulière : les artistes ayant été invités à investir une chambre de l’Hôtel West End ou du Windsor Jungle Art Hotel, dans laquelle ils ont pu mettre en scène leurs vidéos selon une scénographie spécialement imaginée pour le lieu et l’évènement.

Ainsi, le visiteur peut plus aisément s’immerger dans le travail de chaque artiste, entrer dans l’intimité de son processus créatif, comprendre sa réflexion, et même échanger avec lui – la majorité des artistes sont en effet présents durant les heures d’ouverture au public afin éclairer nos lanternes !

Tohu Va Bohu ©Lou Le Forban

Qu’est-ce qu’être humain ?

Cette année, le jury du Prix Sud Emergence, présidé par Marta Gili, curatrice indépendante, a récompensé Melisa Yagmur Saydi. Quant au Prix Cosmopolis, présidé par François Michaud, conservateur à la Fondation Louis Vuitton, il a salué le travail de Leticia Ramos, représentée par la Fondation Calouste Gulbenkian. Pour notre part, notre préférence est allée vers le film d’animation à la beauté étrange de Lou Le Forban.

Diplômée des Beaux-Arts de Paris et du Fresnoy de Tourcoing, la jeune marseillaise présentait Tohu Va Bohu. Mêlant personnages filmés et décors peints, ce court-métrage plonge le spectateur dans un village des Alpes-de-Haute-Provence frappé par une épidémie de peste dansante, conduisant les humains et les animaux vers une transe aussi inquiétante qu’intrigante. Inspiré d’un fait historique réel datant de 1518 à Strasbourg, ce récit brillamment écrit et mis en images témoigne du haut niveau de cette sélection, dont se distinguent quelques tendances.

Sur ce sujet, nous partageons l’avis de Nathalie Amae : « Nous distinguons deux axes : les tendances en matière d’outils et les tendances en termes de sujet. Nous présentons aussi bien des œuvres dignes de longs métrages que des gifs de quelques secondes, mais dans tous les cas, les artistes s’intéressent depuis toujours à la technologie, et donc un certain nombre d’entre eux à l’IA. Sur le fond, tous les artistes, pas seulement les vidéastes, s’interrogent sur notre existence. Les questions environnementales sont aussi assez récurrentes. Du point de vue anthropologique et sociologique, qu’est-ce qu’un humain aujourd’hui ? C’est la grande question qui revient depuis une dizaine d’années déjà ».

Unstable Connections, 2022 ©Oleksandr Sirous

Créer de l’image autrement

Avec l’arrivée de l’IA, la question est d’autant plus pertinente ! En résidence à la Grotte du Lazaret, où elle a entièrement repensé son œuvre, présentée précédemment au Fresnoy, Justine Emard y présente Hyperphantasia, des origines de l’image, sous le commissariat d’Emmanuel Desclaux et Nathalie Amae : « Justine Emard s’interroge sur notre besoin de créer de l’image, des premiers signes rupestres à l’IA. Elle a collecté plusieurs peintures de la grotte de Chauvet pour constituer une base de données, à partir de laquelle l’IA en a recréé une autre, et ainsi confectionné de nouvelles archives ». Pour le dire autrement, Hyperphantasia est une œuvre où l’IA, à partir d’œuvres préhistoriques, compose des images abstraites et résume 18 000 ans d’histoire de l’art. « Pour créer la bande sonore, poursuit Nathalie Amae, Justine Emard a enregistré le son que font les signaux électriques entre les synapses neuromusculaires lorsque nous créons du visuel ».

Hyperphantasia, 2023 ©Justine Emard_ ADAGP (Résidence Grotte du Lazaret)

Pour le visiteur, le festival OVNi est également l’occasion de voir des œuvres étonnantes dans des endroits qui le sont tout autant : Le balai mécanique de Pierrick Sorin au musée national Fernand Léger, Le Soleil ni la mort de Stéphanie Solinas à la Villa Ephrussi de Rothschild, ou encore In-Urbe d’Ugo Arsac au Centre culturel La Providence de Nice… Ceci étant dit, OVNi permet aussi de découvrir des artistes dont le travail a été peu ou jamais montré en France, comme celui du Philippin Martha Atienza ou des japonais Ryochi Kurosawa et Hiroya Sakurai, tous visibles au sein de l’exposition Des choses qui sont parfois et accidentellement vraies, à la Grande Halle du 109.

En trois semaines de festival, OVNi a donc brossé le portrait d’une scène émergeante, prometteuse, retracé l’histoire de l’art vidéo contemporain, et orchestré la rencontre entre passionnés et professionnels dans une ambiance détendue, chaleureuse. En un mot, une réussite !

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