Premier contact Paolo Cirio, en 3 infos essentielles

25 juin 2024   •  
Écrit par Zoé Terouinard
Premier contact Paolo Cirio, en 3 infos essentielles
“Captures”, 2020 © Paolo Cirio

Être artiste, c’est permettre la rencontre avec une œuvre, une pensée, un thème, une esthétique. Pour ce faire, il faut d’abord, du côté de l’artiste en question, s’être fait reconnaître. C’est l’objectif de « premier contact », série de mini-portraits pensés comme des speed-meeting, des premiers points d’accroche avec de jeunes artistes et leurs univers si singuliers. Cette fois, Fisheye Immersive s’intéresse à l’artiste conceptuel et hacktiviste Paolo Cirio, actuellement exposé au Foam d’Amsterdam. Sorte « Mr. Robot » du monde de l’art, l’Italien utilise l’IA pour remettre en question les dynamiques de pouvoir. 

Un élément biographique

Né en 1979 à Turin, Paolo Cirio se tourne rapidement vers un cursus artistique, et sort diplômé en 2005 d’un Bachelor en art, histoire, critique et conservation de l’Università di Torino. Précoce, l’Italien attire au cours de ses études supérieures l’attention (et les foudres) du grand public suite à diverses actions coup de poing. La première, « Anti-NATO Day », est une sorte de sit-in virtuel organisé en 2001 sur le site web de l’OTAN via un script Flash Player : un acte d’hacktivisme promu via un portail web anti-guerre appelé StopTheNato.org, religieusement mis à jour jusqu’en 2006. Clairement, une vocation est née. Depuis, Cirio n’a cessé de s’illustrer au travers d’une pratique sociale, revendicatrice et controversée. Célèbre dans le monde entier pour avoir dénoncé plus de 200 000 sociétés offshore des îles Caïmans avec son ouvrage Loophole for All, pubié en 2013, il a également détourné Google et piraté Facebook deux ans plus tôt via Face to Facebook, un projet au cours duquel il piratait la base de données du fameux réseau social et inscrivait à leur insu 250 000 utilisateurs sur un site de rencontres totalement fictif, Lovely-face.com.

Ouvertement critique quant à la mainmise de certaines sociétés sur nos vies privées, ces différentes opérations lui valent d’être lauréat de nombreuses et prestigieuses récompenses, du Prix ​​Ars Electronica (obtenu trois fois, en 2005, en 2011 et en 2014) au Prix IBM, en passant par le Prix Transmediale. Aujourd’hui, Paolo Cirio donne régulièrement des conférences publiques et des ateliers dans des universités internationales, entre deux expositions dans des musées prestigieux.

Une œuvre

Professeur invité au Fresnoy lors de la saison 2019-2020, Paolo Cirio y produit une œuvre, Capture, présentée lors de Panorama 22 : véritable réflexion sur l’usage et les dérives potentielles de la reconnaissance faciale et de l’IA, l’installation réunit 4 000 visages de policiers français assemblés via un système de reconnaissance faciale dans l’idée de collecter l’identification de l’officier sur sa plateforme, Capture-Police.com. Une action qui n’a pas plu au Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ainsi qu’aux syndicats de police, qui ont exigé le retrait immédiat du projet, en ligne, mais également au sein de l’exposition tourquennoise. Cette censure évidente d’un projet, certes provocateur, mais ayant pour but de montrer en quoi le pouvoir de la technologie de reconnaissance faciale nuit gravement à la société (quelque soit la place qu’on y tienne), a largement choqué au niveau international. Tant mieux. L’artiste s’est alors servi de cette publicité inespérée pour promouvoir sa campagne, #BanFacialRecognitionEU, celle-là même qui lui permet de soumettre ses recherches juridiques et sa plainte à la Commission européenne et au CEPD, obtenant plus de 50 000 signatures en soutien à sa pétition.

Derivatives, 2019. Inkjet prints on canvas ©Paolo Cirio

Une actualité

Paolo Cirio fait actuellement l’objet d’une monographie au Foam d’Amsterdam. Intitulée AI Attacks, cette exposition personnelle se concentre sur les implications sociales des systèmes d’intelligence artificielle, l’IA générative et l’utilisation des données. Pour l’artiste italien, l’IA est une forme de violence automatisée, qui s’exprime par la surveillance, la discrimination et la désinformation. Présentant des installations, des gravures, des vidéos et divers objets, l’exposition met également en lumière ses interventions artistiques en ligne, ainsi que ses multiples campagnes activistes. Preuve qu’une proposition artistique n’est jamais quelconque dès lors qu’elle vise à avoir un impact politique sur les sociétés contemporaines.

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