Dans un univers en perpétuelle expansion, Xavier Veilhan, 61 ans, présente Sculpture Park, une expérience immersive orchestrant le dialogue entre la sculpture, l’architecture, la vidéo et la musique. Une manière pour l’artiste français de se réinventer, comme s’il fusionnait désormais passé, présent et futur en un geste unique et continu.
Ce n’est pas dans le bois, le béton ou le métal que Xavier Veilhan, plasticien de formation, passé par les Arts Déco, façonne ses dernières sculptures, mais dans les pixels et autres algorithmes. Une nouvelle façon de créer qu’il résume dans son installation Sculpture Park, réalisée en partenariat avec Vive Arts, la plateforme dédiée à l’art immersif. Dans cette série d’œuvres flottantes, la monumentalité de ses sculptures se libère des contraintes terrestres. Les formes géométriques familières de son répertoire se métamorphosent, et prennent ici des proportions démesurées, défiant les lois de la gravité. C’est bien simple : le spectateur n’est plus un simple observateur. Équipé d’un casque VR, il se fait désormais explorateur, déambule, interagit et s’immerge totalement dans cet espace où les frontières entre l’art et la technologie s’estompent.
À travers cette collaboration, Xavier Veilhan ne propose pas seulement une transposition de son art dans le virtuel ; il crée une nouvelle forme d’expérience esthétique. Le visiteur se meut en une pièce mobile de ce puzzle digital, interagissant avec des formes, des sons, un environnement en perpétuelle mutation. Un processus de transformation qui rappelle les ambitions des avant-gardes du 20e siècle, ici déclinées dans une version 3.0, où l’immatérialité devient la norme et où chaque interaction avec l’œuvre modifie sa perception.
Le prolongement naturel de son parcours
La VR ne surgit pas comme un virage soudain dans le parcours de l’artiste français. Depuis ses premières installations et expositions, dans la seconde moitié des années 1980, Xavier Veilhan a cherché à dialoguer avec l’espace, à repousser les limites de la matérialité. De ses sculptures épurées et géométriques à ses dispositifs architecturaux, son travail a toujours flirté avec l’envie d’une expérience sensorielle, d’une forme d’art total, au point de se faufiler dans le monde de la pop en réalisant les toiles dévoilées dans le clip de « Marcia Baïla » des Rita Mitsouko.
L’arrivée de la VR dans sa pratique apparaît ainsi presque comme une évolution naturelle, lui permettant de continuer à questionner les perceptions visuelles et spatiales. Son rapport à l’architecture, notamment dans le cadre de son intervention au Pavillon français de la Biennale de Venise 2017, témoignait lui aussi de son goût pour les dispositifs immersifs. En travaillant avec des architectes, des designers, des ingénieurs et des musiciens (I:Cube, grand nom de la scène électronique française, a composé la BO de Sculpture Park), Xavier Veilhan tend vers une approche collaborative où l’œuvre dépasse sa dimension matérielle afin d’englober des disciplines variées. La réalité virtuelle, avec son potentiel infini, se veut dès lors un prolongement logique de ce travail interdisciplinaire.
Le goût de l’immatériel
Mais au-delà de la progression logique, que faut-il voir dans cette cette exploration ? Une rupture, un renoncement à l’art tangible, ou bien une étape supplémentaire au sein d’une carrière en évolution constante ? Loin de délaisser le concret, Xavier Veilhan semble plus que tout vouloir enrichir son vocabulaire artistique. Ses sculptures, souvent imposantes dans le monde physique, trouvent dans le monde numérique une légèreté et une fluidité nouvelles – l’absence de contraintes matérielles permettant d’imaginer des œuvres impossibles à réaliser dans la réalité. Quant à la VR, elle lui offre tout simplement un souffle nouveau, une respiration, une opportunité de réinventer l’espace, la matière et la perception, Xavier Veilhan profitant de Sculpture Park pour esquisser les contours d’une nouvelle définition de l’art : celle où l’immatériel devient la substance même de l’œuvre.