Dans l’effervescence de la scène artistique contemporaine, la Turquie s’impose peu à peu comme un véritable vivier d’innovation, où les nouvelles technologies et la culture digitale se rencontrent afin de créer un art profondément ancré dans les réalités d’un monde globalisé. Petit tour d’horizon de ces créateurs visionnaires qui, via leur travail, prouvent qu’il est grand temps de prêter attention à l’art numérique ottoman.
Ils bousculent les conventions esthétiques tout en soulevant des questions sociétales, culturelles et politiques cruciales. Chacun de ces artistes, par son approche singulière, se veut le témoin du dynamisme et de l’audace de la scène artistique turque actuelle – incarnés par Beryl Bilici. Alors que la Turquie, et en particulier Istanbul, a longtemps été un carrefour culturel entre l’Orient et l’Occident, sa scène artistique se positionne à l’avant-poste dans l’exploration des nouveaux médiums numériques. Zoom sur cinq artistes turques prêts à façonner dès aujourd’hui les imaginaires de demain.
Cihad Caner
L’art de Cihad Caner oscille entre la photographie, la vidéo et la sculpture numérique. À travers ses œuvres, le natif d’Istanbul, aujourd’hui basé entre sa ville natale et Rotterdam, interroge l’impact des migrations et des frontières dans un monde de plus en plus numérisé. Son exploration des notions de déplacement et de citoyenneté trouve un écho dans ses installations immersives, où les mondes réels et virtuels s’entremêlent. À 34, Cihad Caner met en lumière les récits invisibles et marginalisés, tout en transformant les limites géopolitiques en des éléments abstraits teintés d’activisme.
Yasin Arıbuğa et Toprak Fırat
Ce duo d’artistes a bâti un univers collaboratif fascinant, fusionnant la sculpture, la modélisation 3D et la performance numérique. Dans leur œuvre Somatic Flux, présentée récemment à Istanbul, les deux comparses abordent les thèmes du corps et de la transformation à l’ère des technologies immersives, plongeant le spectateur dans un espace liminal, où les humains se déforment, mutent, et finissent par devenir presque méconnaissables. Quoique volontiers fantasques et expérimentaux, leurs travaux défient notre perception de l’identité dans un monde où les corps se réinventent grâce à la réalité augmentée et virtuelle.
Beste İleri
Réputée pour son utilisation audacieuse de la réalité augmentée, Beste İleri s’est rapidement imposée comme une figure incontournable de la scène artistique numérique turque. Explorant les intersections entre le réel et le virtuel, ses œuvres révèlent des paysages dystopiques qui interrogent l’évolution de notre société à l’ère numérique. En abordant la question de l’accumulation massive de données, İleri questionne la manière dont ces flux d’informations redéfinissent notre perception de l’espace et du temps, tout en invitant le spectateur à réfléchir à des notions d’éthique liées à la consommation digitale.
Alican İnal
Alican İnal est un artiste aux pratiques pluridisciplinaires, dont les œuvres allient performances en direct, art sonore et installation numérique. Utilisant des algorithmes extraits de diverses intelligences artificielles, İnal parvient à réinterpréter des fragments de mémoire culturelle, créant des paysages numériques où les bribes du passé et les bruits du futur s’entrelacent. Depuis Londres, où il s’est installé, sa pratique questionne la manière dont les nouvelles technologies peuvent servir de vecteurs de mémoire, tout en ouvrant une réflexion sur la préservation de l’héritage culturel à l’ère du numérique.
Ebru Kurbak
Depuis ses débuts, au croisement des années 2000 et 2010, la pratique d’Ebru Kurbak se situe à la croisée des arts textiles et de l’électronique. Dans ses créations, l’artiste et chercheuse détourne les techniques traditionnelles pour y intégrer des outils numériques, créant des œuvres textiles interactives uniques, proposant une réflexion sur le rôle des femmes au sein de l’industrie technologique. Au passage, elle interroge également la place du travail manuel dans un univers de plus en plus automatisé. Par ce biais, Kurbak confronte les tensions entre tradition et innovation, tout en redonnant une nouvelle voix aux techniques artisanales par l’intégration de dispositifs programmables. Ses œuvres permettent ainsi une réflexion poignante sur la façon dont la technologie peut tisser de nouveaux récits collectifs.