Conversation avec une IA via un pupitre en bois, dispositif d‘écoute par conduction osseuse, scénario immersif holographique, borne-objet sculptural ou carte postale augmentée, l’innovation des outils de communication numérique muséaux prolongent autant la créativité de leurs auteurs que la durabilité de notre expérience de visite.
TALKING PICTURES, par Lean Mean Machine
À l’heure de l’IA, ne serait-il pas possible d’avoir une communication directe avec une œuvre d’art incarnée ? C’est l’idée qui anime le très concret dispositif Talking Picture, créé par la société belge Lean Mean Machine et reposant sur plusieurs technologies avancées. « Une interface avec un pupitre en bois permet au visiteur d’appuyer sur un bouton et de poser sa question via une reconnaissance vocale SST (Speech-to-Text), précise Dennis Lippens, l’un des concepteurs. L’intelligence artificielle, basée sur un modèle de langage LLM, reformule et transmet une réponse grâce à un module de synthèse vocale TTS (Text-to-Speech). »
Fondées sur les informations fournies par les conservateurs du musée, les réponses sont précises, mais aussi amusantes, permettant une interaction directe entre visiteur et œuvre d’art que l’on avait du mal à imaginer auparavant. La touche design du pupitre en bois apporte également une élégance et une proximité avec l’usager, qui peut ainsi prendre en main la conversation. « Au Musée des Beaux-Arts de Gand, depuis décembre 2023, deux tableaux, dont The Cattle Shed de Jenny Montigny, répondent directement aux questions du public, souligne Dennis Lippens. Le projet a enregistré 2 600 interactions en un mois, révélant des attentes nouvelles et suscitant un engouement avec 95 % de retours positifs. » On tiendrait donc là l’outil de demain ? Affaire à suivre.
LOSONNANTE, par Losonnante
On connaissait déjà la conduction osseuse dans certains dispositifs d’écoute sonore artistique (les Stimuline de Julien Clauss, par exemple), mais avec Losonnante, la société du même nom introduit ce procédé dans le principe d’écoute d’un contenu audio intégrable dans les environnements muséaux et culturels. Conçu au départ dans un souci d’inclusivité – la chercheuse Cindy Lebat, autrice de l’étude sur l’usage de Losonnante par les personnes sourdes et malentendantes, a notamment souligné son potentiel –, le dispositif s’adresse désormais à un public plus large. « En posant simplement les coudes sur notre borne sonore, les ondes passent des os jusqu’aux mains, qui sont ensuite posées sur les oreilles », détaille Chloé Loreto, attachée de presse pour Losonnante.
Par son principe autonome, discret, mais surtout sensoriel, qui élimine tout besoin d’équipement, casque ou écouteur, Losonnante entend ainsi transformer une simple écoute en une expérience intime mémorable. « Au Musée national Jean-Jacques Henner, Losonnante a permis d’ajouter une dimension immersive à une exposition dédiée aux femmes artistes du XIXe siècle, poursuit Chloé Loreto. Deux bornes sonores installées au cœur de l’exposition, diffusent des extraits de lettres d’élèves de Jean-Jacques Henner, donnant l’occasion aux visiteurs de découvrir ces confessions comme si elles leur étaient directement adressées. »
Dispositif holographique, par Monolithe Studio
Produit de l’holographie, un procédé de photographie en relief, l’hologramme et sa manière de représenter une image 3D comme suspendu en l’air a toujours sa place dans les outils de médiation innovants, basés sur la narration digitale tels ceux développés par le Monolithe Studio de Nancy. Procédant du monde du cinéma et de la mise en scène, disposant dans son équipe d’une Docteur en Histoire ancienne guide conférencière, le studio sait comment trouver les meilleurs éléments esthétiques « pour garantir que les histoires que nous allons raconter sont scientifiquement rigoureuses », comme le précise son co-directeur, Gaspard Bergeret.
Pour le château de Malbrouck, le studio a choisi d’utiliser l’holographie pour scénariser une fausse conférence de presse, donnée prétendument en direct par deux scientifiques, et pour expliquer au grand public « le rôle qu’a pu jouer un mystérieux four, assez unique par sa taille, trouvé lors de fouilles dans les fondations du château ». « C’est une expérience immersive scénarisée, où les deux scientifiques reviennent sur leurs travaux de recherche et confrontent les hypothèses qu’ils envisagent mutuellement sur le rôle joué par le four, résume Gaspard Bergeret. En cela, elle permet surtout de faire fonctionner l’imaginaire des visiteurs ». Cette immersion holographique permet ainsi de donner des clés de compréhension immédiatement lisibles, directement dans cette salle du four rendue immersive et qui constitue le point de départ de la visite du château.
TIMESCOPE ONE, par Timescope
Comme on ne peut pas totalement faire l’impasse sur les dispositifs VR (quand même !), nous avons retenu la borne Timescope One qui combine la réalité virtuelle et son environnement sonore à un dispositif-objet sculptural, une borne interactive et tactile au design surprenant, puisque évoquant la précision d’une longue-vue, et la forme et l’ergonomie d’un périscope ! « L’idée du périscope est de permettre à l’usager de faire pivoter et d’explorer une reconstitution en 360°, offrant une immersion complète via un véritable mobilier urbain, résistant aux intempéries et autres dégradations, explique Gabrielle François, responsable de projet. Le caractère inédit de cette borne réside dans sa capacité à transporter le visiteur dans le passé tout en restant ancré in-situ », précise-t-elle encore.
« C’est une fenêtre sur des lieux, des époques ou des réalités qui ont disparu, transformant une visite en une expérience sensorielle et émotionnelle ». À Trélazé, dans le Maine-et-Loire, les visiteurs peuvent ainsi utiliser la borne pour descendre dans une mine d’ardoise et explorer des techniques d’extraction d’un lieu totalement inaccessible aujourd’hui, permettant de partager avec le grand public « une mémoire collective qui risquerait de rester enfouie ».
REAL ILLUSIONS ARCARD, par REAL ILLUSIONS
N’avez-vous jamais rêvé de prolonger l’expérience d’une visite dans un lieu patrimonial ou un musée une fois celle-ci achevée ? En combinant une carte postale classique avec des éléments numériques interactifs, la carte postale en réalité augmentée REAL ILLUSIONS ARCARD propose une « fusion insolite entre un objet traditionnel, intemporel et universel, et une technologie moderne et innovante », précise Philippe Font, CEO de REAL ILLUSIONS. Avec l’application dédiée (accessible gratuitement sur tous les stores numériques) et en scannant ensuite directement la carte avec son téléphone (sans code QR !), celle-ci dévoile toute une gamme de contenus, vidéos, animations 3D, récits historiques, interviews multilingues mais aussi quiz et jeux interactifs, permettant de poursuivre à distance l’exploration du site.
« On peut cependant imaginer différentes modalités d’utilisation, comme cela a été le cas pour la découverte du patrimoine médiéval du Château de Castelnou dans les Pyrénées-Orientales, poursuit Philippe Font. Bien avant la visite, la carte permet d’accéder à une reconstitution en 3D du château et à un audio de médiation, facilitant la préparation de la visite. Sur place, ses supports interactifs permettent aux visiteurs de zoomer sur des éléments de l’architecture du château, de découvrir des anecdotes historiques ou de voir des reconstitutions animées des événements marquants du site. Distribuée à la sortie, cette carte postale devient aussi un outil de médiation et de promotion. »