À l’occasion d’Art Basel Paris, vingt artistes réinventent l’histoire du monde arabe dans une exposition où se mêlent poésie, science et fiction.
Sous le commissariat d’Arnaud Morand, l’exposition Orbis Tertius rassemble vingt artistes ayant participé au programme de résidences artistiques d’AlUla en Arabie Saoudite et explore les possibilités d’un monde recomposé, où mythes et futurs imaginaires dialoguent harmonieusement. Présenté à l’occasion d’Art Basel Paris, du 15 au 20 octobre 2024, l’événement tend à mettre l’accent sur la porosité entre deux mondes : celui de la création contemporaine et celui d’une région millénaire en perpétuel changement.
Inspiré des écrits de Jorge Luis Borges, le titre de l’exposition (Orbis Tertius) fait à lui seul écho à cette quête d’un monde fictif, concept ô combien foisonnant dont les artistes réunis ici (Gregory Chatonsky, Salomé Chatriot, Louis-Cyprien Rials ou encore Ittah Yoda, duo programmé lors de l’édition 2022 du Palais Augmenté) s’emparent avec curiosité afin de déployer leurs propres récits, où les mythes ancestraux rencontrent des projections futuristes. Dans cette région d’AlUla, au cœur d’une ville-oasis marquée par l’empreinte de civilisations préislamiques et un paysage désertique sculpté par le temps, chaque artiste semble en effet avoir été guidé par une même envie : explorer une version alternative du réel.
Un laboratoire d’expérimentations artistiques
À la fois site archéologique de renommée mondiale et territoire en plein développement, AlUla est un de ces lieux d’exception où se croisent archéologues, botanistes, anthropologues et, bien sûr, artistes. Ainsi, depuis 2021, la Commission Royale pour AlUla (RCU) et l’Agence Française pour le Développement d’AlUla (AFALULA) misent sur cette effervescence si particulière et organisent des résidences au cœur de la région. C’est là, dans ce cadre unique, que la création contemporaine s’est nourrit des traces laissées par le temps, ainsi que des multiples strates de l’histoire humaine enfouies sous la terre, pour donner naissance à des œuvres où l’art rencontre les sciences, où la mémoire des lieux se mêle à une vision tournée vers l’avenir.
« Les artistes décousent le monde tangible pour le transmettre sur un mode spéculatif, bousculant un rapport normatif et limitatif à la connaissance. », explique Arnaud Morand. Ainsi, chaque œuvre devient un fragment de récit, une porte ouverte sur un univers où la fiction revêt une valeur ontologique, invitant quiconque à redéfinir sa propre perception du réel. Quand Monira Al Qadiri ou M’Hammed Kilito réinterprètent les mythes préislamiques et les récits populaires qui ont traversé les siècles, Maitha Abdalla ou Talin Hazbar explorent la matérialité du paysage et les formes de vie qui en émergent.
Récits intemporels
Sculptures, vidéos, installations : les œuvres présentées à l’occasion d’Orbis Tertius sont le fruit de cette immersion dans un monde où le temps se plie, où les récits du passé se fondent dans les spéculations sur l’avenir. À travers cette multiplicité de regards, l’exposition offre une réflexion sur la manière dont les récits façonnent les territoires et les identités. Une fois encore, on sent là l’influence de Borges, l’impact de son réalisme magique. Arnaud Morand le revendique, et conclut en rappelant à quel point les artistes « construisent un tableau si rigoureusement cohérent de cette civilisation fabuleuse et de ce monde tiers, qu’il en devient troublant de vraisemblance. »
- Orbis Tertius, du 15.10 au 20.10, 5 rue Saint-Merri, Paris.