Invitée à s’emparer de la Galerie Art & Sciences de la Cité des sciences et de l’industrie, Faye Formisano rappelle que « tous les êtres vivants sont les fantômes du futur ». Jusqu’au 24 mars 2024, l’artiste française profite ainsi de son exposition pour associer avec poésie science et fiction.
Présentée dans le cadre du troisième volet de sa carte blanche « Art et Science », l’exposition All The Living Beings Are The Ghosts of The Future nous plonge dans le laboratoire d’un chercheur en onirogénétique inventé de toute pièce par Faye Formisano : Roderick Norman, instigateur de cette drôle de discipline consistant à entrer dans les rêves d’une personne via l’analyse de son squelette. D’après lui, « les os renferment tous les secrets de notre espèce ».
Une affirmation qui inspire à la plasticienne pluridisciplinaire (dessin, textile, cinéma) trois questions. Toutes essentielles : combien de rêves gisent en moi ? Combien de genres gisent en moi ? Combien d’espèces gisent en moi ? Pour y répondre, l’artiste, diplômée du Fresnoy – Studio national des arts contemporains, adapte son film They Dream in My Bones, normalement conçu pour être diffusé en réalité virtuelle, dans l’espace de la galerie d’Universcience.
Le voile comme support immersif
Projeté sur une série de voiles, They Dream in My Bones invite les spectateurs à entrer physiquement dans les images, à ne faire qu’un avec l’installation, quitte à brouiller les frontières entre les différents médiums. Comment ? En les peignant directement sur les tissus vaporeux des images du squelette anonyme dont il est question dans le film, prolongé dans la deuxième salle d’exposition par Heaven in Matter, co-réalisé avec Emanuele Coccia, philosophe, spécialiste de l’image et de la nature du vivant. À chaque fois, il s’agit pour Faye Formisano, qui a d’abord été formée au design textile à l’École Duperré, de déployer son apprentissage, de lier ses travaux à la thèse qu’elle soutient actuellement à l’Université de Lille : « Draper l’image : Usages et fonctions du voile comme manifestation des identités troubles dans le cinéma fantastique ».
Si All The Living Beings Are The Ghosts of The Futur défend une vision différente de l’œuvre immersive, l’exposition en coche pourtant toutes les cases : ici, le spectateur n’est pas tenu à distance, mais invité à pénétrer et à séjourner directement dans l’installation. On comprend alors que, dans le travail de Faye Formisano, l’usage du textile sert le film projeté, et vice-versa, matérialisant les fameuses théories de Roderick Norman. « Le voile renvoie à la notion de trouble, il incarne la fluidité et permet de nous situer entre la vie et la mort, le masculin et le féminin, l’humain et le non-humain », explique-t-elle. Une réflexion métaphysique qui prend ici de doux accents poétiques.