Des catalogues d’exposition aux essais déconstruisant nos idées reçues sur la technologie, découvrez dix ouvrages connectés à la création numérique à glisser d’urgence sous le sapin.
Qu’ils soient destinés à se remémorer une belle exposition vue cette année ou pensés pour être dévorés au coin du feu, les livres sont toujours une bonne idée au moment des fêtes de fin d’année. Quelques jours avant de tirer le rideau sur 2024, la rédaction de Fisheye Immersive a donc concocté une liste d’ouvrages essentiels tournés autour de la création numérique, à lire… ou à offrir !
Fisheye Immersive – La Revue
On ne pouvait évidemment pas débuter cet article sans un moment d’auto-promo. Publié en mai dernier, le premier numéro Fisheye Immersive – La Revue contient suffisamment de pistes et d’articles pour poser un regard approfondi sur la création numérique contemporaine.Au-delà des vingtaines de pages dédiées à la scène québécoise, il est également possible d’entrer dans les studios de Joanie Lemercier ou Grégory Chatonsky, d’aller à la rencontre d’une génération d’artistes numériques indéniablement connectés au monde de la musique, de plonger dans la folie NFT, de décrypter l’IA et les enjeux du numérique aux côtés de spécialistes, tout en découvrant le travail d’une cinquantaine d’artistes, pionniers, contemporains ou émergents. Preuve que le Père Noël existe : en attendant la sortie du deuxième numéro en 2025, ce premier volume est, le temps des fêtes, à 19 euros au lieu de 24 euros. /MD
- Fisheye Immersive – La Revue, Français/Anglais, 192 pages, Fisheye, 19 euros.
Forced Anmesia, de Mary-Audrey Ramirez
Consacrée au travail de l’artiste luxembourgeoise Mary-Audrey Ramirez, l’exposition Forced Amnesia (une co-production de la Kunsthalle Gießen et du Casino de Luxembourg) a également donné lieu à un magnifique catalogue d’exposition dans lequel toutes les inspirations de la plasticienne, et notamment les jeux vidéo, sont explorés. Une monographie complète qui revient également sur le potentiel créatif de l’intelligence artificielle chez une artiste considérant ouvertement cette technologie comme un partenaire créatif. Complété par des essais de Nadia Ismail, Damien Mecheri et Ji-Hun Kim, l’ouvrage se reçoit comme une merveilleuse porte d’entée dans l’univers de Mary-Audrey Ramirez, foisonnant et symbolique de l’immense variété de médiums désormais mis à disposition des artistes numériques. /ZT
- Forced Amnesia, Allemand/Anglais, 240 pages, Kunsthalle Gießen et Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, 38 euros.
Cornucopia Book, de Björk
Conçu par M/M Paris, le livre Cornucopia retrace en 480 pages les cinq années de la tournée éponyme de Björk grâce à 313 photographies officielles signées Santiago Felipe. Une tournée qui marque un point de bascule dans la carrière de l’artiste islandaise, qui s’est attelée ces dix dernières années à travailler sur des expériences immersives mêlant son et visuels pensés sous diverses formes (360 degrés, réalité virtuelle ou animation 3D). Donnant vie à cette nouvelle vision, Cornucopia a été bien plus qu’une tournée musicale : il s’agissait en réalité là d’un véritable spectacle d’art numérique et audiovisuel, où l’avatar de l’artiste se mêlait à des musiciens jouant de la harpe magnétique, où Björk recréait à l’aide de l’IA des cris d’animaux disparus ou en voie d’extinction, où tout était généré par des logiciels de son et d’image virtuelle. /ZT
- Cornucopia Book, Français, 480 pages, Braquage, 99,99 euros.
Au-delà de l’idéologie de la Silicon Valley, de Guillaume Heuguet et Loup Cellard
Berceau de l’innovation technologique, la Silicon Valley connaît son lot de fantasmes. On dit notamment d’elle, de façon un peu simpliste, qu’elle est une ancienne communauté de hippies et de hackers qui se seraient convertis au capitalisme. Pourtant, dans l’ouvrage Au-delà de l’idéologie de la Silicon Valley, Loup Cellard et Guillaume Heuguet vont (comme dit dans le titre) au-delà de l’image utopique de la région, pour en révéler les secrets et tenter de percer les formes de domination technologique qui animent les grands patrons américains. Entre les positionnements réactionnaires de certains investisseurs, les influences religieuses et coloniales, ou encore l’importance du capital-risque, les deux auteurs dressent ici un portrait critique, réaliste et nécessaire de la capitale de la tech mondiale. /ZT
- Au-delà de l’idéologie de la Silicon Valley, français, 160 pages, Audimat Éditions, 16 euros.
Persistance du merveilleux, de Nicolas Nova
Qui ne rêverait pas de se balader en forêt et d’y apercevoir un gnome, une nymphe ou une fée ? Longtemps présentes au sein de l’imaginaire collectif, les créatures fantastiques ont progressivement disparu du folklore et comptent aujourd’hui sur quelques exemples issus de la technologie pour continuer d’exister. Des créatures dans les jeux vidéos aux « daemons » (petits programmes faisant tourner nos systèmes d’exploitation), en passant par les IA qui constituent elles-mêmes des nouvelles formes de monstres enveloppés de fantasme, Nicolas Nova fait le bilan de ce bestiaire 2.0 qui insuffle un peu de merveilleux dans notre quotidien. /ZT
- Persistance du merveilleux, Français, 240 pages, Premier Parallèle, 22 euros.
Marché de l’art au risque du numérique ?, de Françoise Benhamou, Nathalie Heinich
Perturbé par l’arrivée des NFTs en 2017, le marché de l’art tente depuis de se plier aux règles du numérique. Quitte à réviser certaines certitudes alors bien ancrées. Que dit la blockchain de l’art contemporain et de son marché ? Une question à laquelle Françoise Benhamou et Nathalie Heinich tentent de répondre dans cet ouvrage aussi adapté aux novices qu’aux initiés, qui dresse un état des lieux complet de l’invasion numérique au cœur des dynamiques d’exposition, d’acquisition et de création. /ZT
- Le Marché de l’art au risque du numérique : L’énigme des NFT, Français, 192 pages, Odile Jacob, 21,90 euros.
VERA MOLNÁR. 100, de Vera Molnár
Décédée il y a maintenant un an à l’aube de son centième anniversaire, l’artiste pionnière du numérique et de l’art génératif continue de vivre sur les cimaises des musées, ainsi que dans les rayons des librairies. Pour célébrer sa mémoire (et son anniversaire), les éditions Bernard Chauveau ont publié cette année une monographie de référence, qui s’appuie 280 œuvres, toutes caractéristiques des différentes périodes de son travail, ainsi que sur un ensemble de textes signés de la mains de Vera Molnár, une biographie actualisée et un avant-propos de Vincent Baby, historien de l’art et directeur de la publication. Essentiel ! /ZT
- VERA MOLNÁR. 100, Français/Anglais, 336 pages, Bernard Chauveau, 55 euros.
Digital Art: 1960s to Now, de Pita Arreola, Corinna Gardner et Melanie Lenz
Si creuser le sujet de l’art numérique est toujours une bonne idée, posséder un ouvrage balayant toute la création reste indispensable. Pour s’assurer d’explorer convenablement la création numérique des années 1960 à aujourd’hui, il est fortement conseillé de se tourner actuellement vers Digital Art: 1960s to Now, un livre de plus de 200 pages, très bien documenté, qui résume tous les domaines de l’art à l’ère de l’informatique : de l’usage du code au net.art, en passant évidemment par l’intelligence artificielle. Ou comment regarder dans le rétro pour mieux comprendre les enjeux créatifs actuels. /ZT
- Digital Art: 1960s to Now, Anglais, 208 pages, Thames & Hudson, 55 euros.
Infinite Memory, de Caroline Poggi & Jonathan Vinel
Disons-le tout net : Infinite Memory (dont on vous parlez il y a quelques jours) n’est pas de ces livres qui en mettent plein la vue au moment des fêtes de fin d’année, ces ouvrages que l’on ne lit pas vraiment mais qui s’avèrent être tellement beaux, volumineux et esthétiques qu’ils finissent illico sur la table basse – les fameux coffee table books, comme on dit outre-Manche. Belle et richement illustrée, la première monographie de Caroline Poggi & Jonathan Vinel l’est évidemment : à commencer par la manière dont les films du duo sont ici transformés en des essais photographiques, questionnant dès lors le sens de chaque image – pensée pour être mouvante, que nous raconte-t-elle une fois figée ? Il serait toutefois dommage de se priver des analyses approfondies d’Alenda Y. Chang, Béatrice Grenier ou Ingrid Luquet-Gad, notamment autour de l’imagerie des jeux vidéo, voire même du riche entretien mené par le critique Philippe Azoury, éclairant et parfait pour comprendre la richesse de cet univers singulier, à la fois cinéma-vidéo et pratique-jeu. /MD
- Infinite Memory, Anglais, 274 pages, Béatrice Grenier, 30 euros.
Miguel Chevalier, de Miguel Chevalier
La forme est classique, le contenu finalement fidèle à ce que l’on attend d’une monographie : poser un regard complet sur l’œuvre d’un artiste, proposer un entretien inédit avec celui-ci et livrer les coulisses de certains de ses travaux les plus emblématiques. Ou, du moins, les plus récents – Digital Arabesques (2014-2024), Pixels Liquides (2019), Amphibolis (2021), Digital Moirés (2022), Pixels Wave (2024). On s’avoue toutefois séduit par l’avant-propos de Laurence Bertrand Dorléac, historienne de l’art, qui raconte avec brio une certaine histoire de l’art informatique tout en faisant de Miguel Chevalier l’héritier conscient de Manfred Mohr, Vera Molnár, Margot Lovejoy ou Herbert Franke, tous ces artistes qui « ont touché aux territoires nouveaux en bouleversant la vision des couleurs, du mouvement et de la lumière, tous dans une forme d’ivresse expérimentale qui n’a rien à voir avec le fétichisme de la machine ». Dans l’entretien, mené en janvier 2024 par Jérôme Sans, on en apprend d’ailleurs davantage sur cette tension entre nature et artifice qui semble agiter l’esprit créatif de Miguel Chevalier dans de nombreuses œuvres (Sur-Nature, Ultra-Nature, Trans-Nature), pensées comme de véritables herbariums imaginaires. Richement illustré, Miguel Chevalier se reçoit également comme une plongée analytique dans l’œuvre d’un pionnier, aujourd’hui persuadé que « les visuels générés par l’IA permettent de dépasser son potentiel créatif ». /MD
- Miguel Chevalier, Français, 288 pages, Skira Éditions, 50 euros.