Figure incontournable de l’immersion par le son, le studio KLING KLANG KLONG rayonne au-delà de Berlin, où il est installé depuis 2015. En ses murs, ses membres écrivent et conçoivent de A à Z des récits interactifs, génératifs et spatiaux, en conjuguant diverses disciplines issues des arts et des sciences. Rencontre.
Musiciens ou physiciens, les membres du studio KLING KLANG KLONG refusent de choisir, préférant à cela se présenter comme un laboratoire de recherche d’où émanent des expériences immersives tantôt pointues, tantôt accessibles. En réunissant leurs compétences, les Berlinois produisent du son allant de la composition symphonique à la musique pop générée par des réseaux de neurones. Jusqu’au-boutistes, ils conçoivent également eux-mêmes des appareils ou des algorithmes capables de répondre à leurs exigences artistiques et immersives.
En une trentaine de projets, KLING KLANG KLONG a ainsi su convaincre, villes, nations et institutions culturelles, en mettant le public au cœur de ses œuvres à la fois complexes et ludiques – son leitmotiv ! De ce studio surgit également l’émotion, nécessaire, essentielle à la démarche de ces petits savants fous de l’expérimentation sonore. Lesquels consentent à délaisser un instant leurs machines et logiciels pour raconter d’une même voix l’ambition de leurs projets, pluriels par essence.
Comment est né le studio KLING KLANG KLONG ?
KLING KLANG KLONG : Tout a commencé à Berlin, où nous travaillions ensemble en tant qu’indépendants, au sein du même espace. Très vite, nous nous sommes rendus compte que nos différents parcours et travaux convergeaient vers un même point : l’immersion sonore. Nous avons donc décidé de nous unir pour créer le studio KLING KLANG KLONG, spécialisé dans ce domaine.
KLING KLANG KLONG est un nom finalement assez étrange, à la fois sonore et mystérieux. Qu’est-ce que ça signifie ?
KLING KLANG KLONG : Il nous a fallu environ six mois pour trouver ce nom. Après plusieurs séances de brainstorming, KLING KLANG KLONG est apparu comme par magie. On est bien conscient qu’il s’agit là d’une onomatopée indéfinissable, mais il résonne pour nous comme quelque chose de ludique et de créatif. Cet aspect ludique est primordial dans notre travail.
« Nous cherchons sans cesse de nouvelles façons d’émouvoir et de faire bouger les gens grâce à l’impact du son. »
Vous êtes avant tout un studio spécialisé dans l’expérience sonore, mais vous flirtez également avec l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle. Quelles sont vos motivations ?
KLING KLANG KLONG : Depuis près de dix ans, nous concevons avant tout des scénographies sonores pour différents espaces, tels que des musées, des showrooms ou des pavillons d’expositions universelles. L’idée est à chaque fois de mettre le public au cœur de notre travail, mais l’on ne s’interdit rien pour autant. Pour te donner un exemple, les œuvres d’art que nous avons produites vont d’un opéra basé sur l’IA à des installations audiovisuelles immersives.
Nous cherchons sans cesse de nouvelles façons d’émouvoir et de faire bouger les gens grâce à l’impact du son. Nous composons aussi bien du son que du code afin d’élaborer des expériences sonores spécifiques.
L’équipe de KLING KLANG KLONG rassemble des compositeurs, des concepteurs sonores, des penseurs, des scientifiques et des technologues….
KLING KLANG KLONG : Notre objectif est de fusionner tous les univers du son afin de créer des accès et des espaces susceptibles de façonner des nouveaux mondes au sein desquels les gens vont pouvoir expérimenter. Afin de répondre au mieux à cette ambition, nous touchons à tout : la composition, la conception sonore, la musicologie, la microélectronique, le développement de logiciels et de matériel, la conception d’éclairage…
« Nous veillons à ce que le son soit comme une augmentation, une transformation de ce qui est proposé visuellement. »
Ce mélange des disciplines est-il une manière pour vous de favoriser l’immersion ?
KLING KLANG KLONG : Par nature, le son, de par sa spécificité spatiale, a un fort potentiel immersif. Néanmoins, nous devons veiller à créer un monde sonore crédible. Ainsi, nous veillons à ce qu’il est un lien solide avec l’espace physique, que le son soit comme une augmentation, un achèvement ou une transformation de ce qui est proposé visuellement.
À l’image de ce que vous avez créé aux côtés du laboratoire de recherche sous-marine, Fjord&Bælt, situé à Kerteminde, au Danemark, et chargé d’étudier les écosystèmes marins locaux ?
KLING KLANG KLONG : En effet ! Pour ce travail, une agence de design berlinoise, ART+COM Studios, nous a demandé de réaliser la scénographie sonore de ce laboratoire ouvert, qui fait également office de musée. Au lieu de créer une ambiance sous-marine, nous avons sonifié les données enregistrées par le laboratoire pendant une année entière. Désormais, les visiteurs peuvent s’immerger dans un environnement spatial qui a non seulement un lien direct avec le lieu, mais qui donne également un accès émotionnel à des données complexes.
D’après vous, quels projets résument le mieux votre travail ?
KLING KLANG KLONG : Il paraît essentiel de citer Four Seasons, dans le sens où il se démarque totalement de nos autres travaux. Pour ce projet, réalisé en collaboration avec le NDR Elbphilharmonie Orchestra, Jung von Matt and Markenfilm SPACE, nous avons rendu le changement climatique audible en mettant à jour les célèbres concertos pour violon de Vivaldi. Pour ce faire, nous avons utilisé des algorithmes basés sur des données climatiques : les ruisseaux, les violentes tempêtes, les paysages gelés et le chant des oiseaux ont ainsi été autant d’éléments réintégrés par le compositeur dans ces Quatre Saisons. Grâce à notre algorithme, elles sonnent aujourd’hui différemment, en rapport avec notre climat actuel.
Nous sommes aussi particulièrement fiers de COLLIDE, une installation in situ inspirée du phénomène de synesthésie. Dans celui-ci, des musiciens interprètent des visuels vus au travers des casques de réalité virtuelle, comme une partition graphique qui dicte en temps réel le dynamisme, l’intensité et le rythme mélodique. Ainsi, la bande sonore de l’installation est le résultat d’une expérience d’immersion et de son impact sur la perception.