Présenté en parallèle de la Mostra de Venise, au sein de la section immersive, ce récit interactif en VR encourage le spectateur à prendre la place d’un esprit accompagnant une grand-mère au cours de ses derniers instants. Poétique et sensible.
Parler de la mort n’est pas chose aisée. Pourtant, ce sont des oeuvres comme Mamie Lou qui, en réussissant à illustrer les derniers instants d’une vie, permettent de faire entrer un sujet encore trop souvent tabou et difficile à aborder dans les thèmes de la narration. Imaginé par Isabelle Andréani, ce court-métrage d’une vingtaine de minutes nous glisse dans la peau d’un esprit chargé de guider « Mamie Lou » dans son dernier voyage après que cette dernière ait fait un AVC et se retrouve à l’hôpital. Coincée entre la vie et la mort, Mamie Lou a peur. De l’inconnu, de ce qui lui arrive, d’être éloignée de ses proches.
C’est précisément à cet instant que le spectateur intervient. En incarnant cette présence lumineuse, ce dernier devient dès lors acteur, incarné à l’écran par des mains rayonnantes. Ses missions ? Réconforter le personnage principal, la rassurer, l’apaiser, mais aussi aider la vieille dame à passer la dure épreuve médicale tout en lui repassant le fameux « film de sa vie », celui qui la fera partir sans aucun regret.
Parler de la mort avec tendresse
Profondément touchant, Mamie Lou, c’est important de le préciser, avait déjà séduit un grand nombre de professionnels de la VR avant d’être présenté à Venice Immersive. Récompensé du prix SACD au MIFA d’Annecy 2020 et sélectionné pour le prestigieux Venice Gap-Financing Market 2022, le film d’Isabelle Andreani innove par son approche délicate d’un sujet pourtant effrayant : celui de la mort. Né lors de la résidence artistique CAMP Fr, le court-métrage est directement lié à la vie de la réalisatrice : « Mamie Lou est avant tout une histoire personnelle, liée au décès de ma grand-mère et la façon dont elle a été prise en charge par le système de santé (en France). C’est quelque chose qui m’a marqué, au-delà de l’événement et des émotions qui y étaient naturellement liées. » confie-t-elle à XRMust, prolongeant sans le savoir ce que nous disait Marion Burger il y a quelques semaines au sujet d’Empereur, ce film en réalité virtuelle pensé comme l’exploration du lien entre une fille et son père au travers de l’esprit de ce dernier, atteint d’aphasie.
Au service du sensible
Inspirée des écrits du médecin Elisabeth Kübler Ross, dont les recherches se concentrent sur l’accompagnement des personnes en fin de vie, Mamie Lou, l’une des trois œuvres du StoryLab de France TV sélectionnée à Venise, touche en plein cœur sans jamais miser sur des effets pompiers ou racoleurs. C’est un film intime, à la limite du fantastique par instants, mais perpétuellement porté par une sensibilité et des souvenirs personnels qui, à en croire Isabelle Andreani, contribuent à rendre ce projet si émouvant, si humain.
« Le propos devait être positif sur le sujet, sans ignorer la réalité, poursuit-elle, toujours chez XRMust. Mais j’ai très vite différencié mon propre ressenti, sur mon vécu, et ce qui devait être raconté… sans être à charge. L’acte de présence, dans ces instants-là, est très important. L’univers des soins palliatifs est bien plus complexe que ce que l’on peut imaginer. Je voudrais aider, de façon positive, à informer sur le sujet. Ce sont dans ces instants dramatiques qu’on apprend finalement beaucoup sur la vie ! » La réussite de Mamie Lou est de parvenir à provoquer le même sentiment en privilégiant la sobriété, la poésie, une interaction moins au service du divertissement ou du spectaculaire que de l’empathie.