Installée à Los Angeles, June Redthread, de son véritable nom June Kim, explore les relations humaines et construit des connexions invisibles à travers des œuvres physiques et numériques. À l’aide de son motif de prédilection, le fil rouge, l’artiste coréenne fusionne traditions et technologies afin de créer des installations qui flirtent avec les frontières de l’art contemporain.
Présentée en 2024 à la NFT Paris par Art Girls, June Kim, 37 ans, aime à se définir comme une tisseuse de liens. Son œuvre tire sa genèse d’une ancienne croyance asiatique : celle du « fil rouge invisible » qui relierait celles et ceux destinés à se rencontrer dans la vie. Ce symbole traverse toutes ses créations, qu’elles soient physiques ou digitales, et traduit sa grande obsession pour les relations humaines – et l’art dans son ensemble. Los Angeles, Paris, New York, Miami, Londres, Pékin, Tokyo, Séoul… Ses œuvres s’exposent dans le monde entier depuis plusieurs années. « Mes parents m’ont dit que j’étais née avec mon carnet de croquis entre les mains, resitue-t-elle. J’ai grandi avec et je dessinais toujours quelque chose. L’idée de devenir artiste me semblait alors naturelle ».
Issue d’une famille où les femmes étaient poètes, peintres ou écrivaines, June Kim ressent un devoir presque spirituel de donner une voix aux aspirations artistiques de ses ancêtres, souvent restées inexprimées. Cette transmission transgénérationnelle et cette vocation ne se limitent pas à l’art : l’artiste coréenne y voit une forme d’inconscient collectif qui guide son travail. « Créer est une mission », témoigne-t-elle. Et cette mission l’a menée à explorer des médiums variés – installations, sculptures, art numérique, intelligence artificielle, art 3D -, tout en restant fidèle à son fil conducteur : le Redthread.
Pour elle, le fil rouge reflète bien plus qu’une croyance. Il est la métaphore des connexions humaines, du destin, et de la vie elle-même. Dans son interprétation, il est à la fois un vaisseau sanguin – source de vie – et un symbole culturel profond. Pour son travail, June Kim s’inspire ainsi autant des mythologies grecques, où les Moires tissent et coupent les fils du destin, que de la philosophie asiatique, où le rouge est une couleur sacrée désignant le feu dans les cinq éléments. « Chaque élément représente des significations et des matériaux différents. L’essence du feu est l’art », confesse celle qui voit dans cet élément une manière d’équilibrer sa propre existence.
Une pratique hybride
Depuis ses débuts, en 2012, année où elle remporte un prix à Art Basel, l’art de June Kim se déploie dans une double dimension, physique et digitale, qu’elle décrit comme « phygitale ». Il faut dire que son parcours en tant que directrice artistique en motion design, étiré sur plus d’une décennie, lui a permis de maîtriser les outils numériques tout en poursuivant un travail plus artisanal de sculpture et d’installation. « Je crois que les humains sont heureux lorsqu’ils explorent tous leurs sens. En cela, l’art immersif est un art du futur vers lequel nous nous dirigeons », affirme-t-elle.
Mélanger l’art traditionnel à de nouvelles technologies lui permet ainsi d’offrir une expérience totale, où les spectateurs peuvent toucher, interagir et même se perdre dans l’œuvre. Cette association entre tangible et virtuel est aussi une réaction pragmatique, le Covid ayant renforcé son besoin de partager son travail au-delà des limites matérielles qui se présentaient à elle, notamment grâce aux NFTs et au métavers.
Extension du champ créatif
Pionnière dans l’univers des NFTs en tant que femme artiste coréenne, June Kim s’est rapidement distinguée du paysage contemporain en fondant la NFT Asian Women, une communauté qui soutient et connecte les femmes artistes asiatiques dans le domaine du digital. Loin de se limiter à l’art, son travail porte donc une dimension sociale et culturelle forte : celle de créer des écosystèmes où les humains et la technologie coexistent en harmonie, où il est possible d’élargir les possibilités de création et d’éducation.
Pour preuve, June Kim enseigne désormais la conception par intelligence artificielle à l’université Konkuk de Séoul, quand elle n’encourage pas tout simplement chaque spectateur, par l’intermédiaire du fil rouge de ses installations ou de la poésie de ses NFTs, à réfléchir à ses propres liens, à ses relations, et à la magie des rencontres. Une manière, à l’entendre, de créer des ponts entre le passé et l’avenir, entre tradition et innovation, mais aussi de rappeler un point essentiel : malgré les distances et les différences, nous sommes toutes et tous connectés par un même fil invisible.