Second Life : zoom sur cinq artistes qui ont investi le métavers

Second Life : zoom sur cinq artistes qui ont investi le métavers
“13 Most Beautiful Avatars”, 2006 ©Eva et Franco Mattes

C’est probablement la star des métavers. Investi par les artistes et autres professionnels du monde de l’art, Second Life est indéniablement un terrain de jeu qui compte dans le monde de la création numérique. La preuve par cinq.

Créé en 2003 par Philip Rosedale et l’entreprise Californienne Linden Lab, Second Life est l’un des premiers exemples de métavers permettant aux utilisateurs – appelés « slifers » – de contribuer à l’évolution de la plateforme, et de construire des espaces, des formes de hiérarchies sociales, une économie ou encore… quelque 2050 galeries et musées. Plus qu’un jeu en ligne, Second Life est donc un véritable univers digital au sein duquel de nombreux artistes ont su s’épanouir ! Preuve en est faite avec Nathaniel Stern, Second Front, Adam Nash, Dyna Fleur ou encore Eva et Franco Mattes qui, au sein d’un environnement purement virtuel, sont parvenus à façonner un art bel et bien réel.

13 Most Beautiful Avatars, 2006 ©Eva et Franco Mattes

Eva et Franco Mattes

Également connu sous le nom de 0100101110101101.org, le couple d’artistes s’intéresse à la notion de cyber-identité depuis 1998, à une époque où Eva et Franco Mattes créent l’artiste fictif Darko Maver, présenté lors de la 48ème Biennale de Venise. Huit ans plus tard, pouvait-on dès lors rêver d’un meilleur duo pour investir Second Life ? À l’évidence, non. Les deux artistes le savent et, en 2006, présentent une série de treize portraits d’avatars, 13 Most Beautiful Avatars, exposée au Centre d’art Ars Virtua, une galerie pensée comme l’exacte réplique virtuelle sur Second Life de l’Italian Academy de Columbia University, à New York, où les mêmes portraits ont été exposés quinze jours plus tard. Un clin d’oeil à l’iconoclaste Andy Warhol qui, en 1964, réalisait deux vidéos en screen test, The Most Beautiful Women et The Most Beautiful Boys, dont l’esthétique est reprise ici par les artistes numériques, en version 2.0.

Le glamour de la photographie des années 1960 s’associe ainsi au graphisme des comics et à l’esthétique pixellisée du jeu vidéo, tout en questionnant avec brio la notion d’identité dans le monde connecté. L’avatar, rappelons-le, n’étant finalement rien d’autre qu’une sorte d’autoportrait sur lequel nous projetons nos désirs et nos rêves. 

Second Front

Second Front

Collectif de huit avatars-performeurs engagés Second Front utilise depuis 2006 le monde virtuel dans l’idée de formuler une critique de l’histoire de l’art, en réinterprétant notamment des œuvres emblématiques des arts visuels par la performance. Ainsi, l’iconique Cène de Léonard de Vinci devient ici un festival d’indigestion au sein duquel les douze avatars vomissent leur (dernier) repas. Inspiré des mouvements d’avant-garde, du dadaïsme au situationnisme, en passant par Fluxus, le groupe d’artistes virtuel composé de Jeremy Owen Turner (Vancouver), Doug Jarvis (Victoria), Tanya Skuce (Vancouver), Gazira Babeli (Italy), Penny Leong Browne (Vancouver), Patrick Lichty (Chicago), Liz Solo (St. Johns) et Scott Kildall (San Francisco) se confronte aux mêmes problématiques que les performeurs du réel : la mise à l’épreuve des corps, matérialisée ici par le « bug » informatique. Une place laissée à l’erreur qui fait de chaque performance un spectacle unique, et contribue ainsi à élaborer une définition de l’esthétique de la performance virtuelle

Given Time, 2010 ©Nathaniel Stern

Nathaniel Stern

En 2008, le galeriste Haydn Shaughnessy et sa femme Roos Demol ont pour projet d’ouvrir un espace d’exposition dans Second Life. Conçue par l’architecte new-yorkais Benn Dunkley, la galerie interactive Ten Cubed marque alors un véritable tournant dans l’investissement de la plateforme par les professionnels du monde de l’art. Le lieu devient ainsi une véritable structure virtuelle accueillant le temps de son exposition inaugurale Crossing the Void II quelques figures connues de l’art numérique, dont Nathaniel Stern, grand habitué de la plateforme. Pour l’occasion, l’artiste multimédia s’associe à Scott Kildall dans l’idée de produire un ensemble d’œuvres d’art virtuelles uniques à vendre dans le métavers, chacune étant numérotée et signée à la main. L’expérience se poursuit en dehors des « murs » de la galerie pour Stern qui s’essaie en 2010 à la performance sur Second Life. Comment ? Via Given Time, en faisant évoluer deux avatars devant des projections d’œuvres physiques. Une certaine conception de l’art phygital, en quelque sorte.

Seventeen Unsung Songs, 2008 ©Adam Nash

Adam Nash

Adam Nash, c’est un peu l’un des puristes de la plateforme, et surtout l’un des grands représentants du mouvement de l’hyperformalisme, défini par Dan Coyotte Antonelli pour désigner la création d’abstractions formalistes au sein de l’espace numérique. Là où certains tentent d’appliquer au virtuel des propriétés du réel, l’artiste hyperformaliste, lui, explore et valorise les propriétés de l’environnement 3D. Son oeuvre Seventeen Unsung Songs est probablement l’un des meilleurs exemples de ce courant qui tient à mettre en lumière le caractère mathématique et binaire de l’art numérique. Composé de sept dispositifs immersifs installés dans la très célèbre île virtuelle dédiée à l’art contemporain Odyssey, l’ensemble promet aux avatars de vivre une expérience sonore et visuelle inédite grâce à des dispositifs interactifs, comme le déclenchement d’une séquence musicale via des déplacements dans des formes colorées. 

Dyna Fleur, 2008 ©Dyna Fleur

Dyna Fleur

Si l’on parle beaucoup de nos jours de la notion de jumeau numérique, d’autres artistes vont encore plus loin que les hyperformalistes pour tenter de proposer des univers non transposables dans la vie réelle. Une notion sur laquelle s’appuie le groupe d’artistes Dyna Fleur le temps d’une oeuvre éponyme. Pensée comme une sorte de machinima, cette installation virtuelle et immersive joue la carte du psychédélique et invite les avatars à pénétrer dans un tunnel en mouvement composé de formes géométriques colorées et de photographies de fleurs. En résulte un voyage perturbant, qui s’effectue au rythme d’une bande-son signée Dizzy Banjo.

Si, sur la forme, le cylindre reprend la construction géométrique des paysages hyperformalistes, il se détache toutefois de cette conception très rationnelle de la création numérique. Ici, tout tourbillonne, de façon à ce que l’utilisateur perde ses repères, et envoie son avatar dans l’inconnu, plutôt que lui-même. 

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